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Publié par Gilles Kraemer

 

Johan Creten, Odore di Femmina - La Malcontenta, 2015. Grès émaillé coloré. 100 x 54 x 46 cm.  Au second plan, Johan Creten, La bouche de l'étonné, 1991. Terre cuite blanche et rouge non émaillée. 17 x 13 x 25 cm. Collection de l'artiste © photographie in situ Le Curieux des arts Gilles Kraemer, novembre 2016, exposition Johan Creten. La Traversée. CRAC, Sète. Remerciements Johan Creten & galerie Perrotin, Paris

"quarantaine n.f. (de quarante). Séjour plus ou moins long (il était jadis de quarante jours, d'où son nom) que doivent faire, dans un lieu isolé, les personnes et les marchandises importées d'un pays infecté d'une maladie contagieuse (choléra, fièvre jaune, variole noire, etc.) ou soupçonné de l'être." Cette définition ouvrait la plaquette de l'exposition Johan Creten... en quarantaine que lui consacra la Villa Saint Clair, à Sète. À l'été 1991, à la suite d'une résidence d'artiste à la Villa Saint Clair à Sète que dirigeait Noëlle Tissier, celle-ci invitait Johan Creten (né en 1963 en Belgique) à présenter ses œuvres dans une exposition collective à l'espace Paul Boyé et à  La Quarantaine.

Vingt-cinq années plus tard, Johan Creten revient à Sète "non pas pour une rétrospective mais une introspective" comme le définit Noëlle Tissier, directrice du CRAC de cette ville en présentant cette exposition. Cinquante-quatre pièces dont certaines inédites. La Traversée est "aussi bien l'histoire de l'exposition à La Quarantaine que la traversée d'une époque, la traversée de la vie d'un artiste, ses déplacements culturels et géographiques car Johan voyage beaucoup et découvre d'autres cultures telle celle du Mexique", pays qui lui inspirera Why does strange fruit always look so sweet ? (1998-2015), grand bronze partiellement doré à la feuille d'or né d'un rêve dans ce pays. 

 

 

 

Johan Creten, La bouche de l'étonné, 1991. Terre cuite blanche et rouge non émaillée. 17 x 13 x 25 cm. Collection de l'artiste © photographie in situ Le Curieux des arts Gilles Kraemer, novembre 2016, exposition Johan Creten. La Traversée. CRAC, Sète. Remerciements Johan Creten

Retour en arrière. Johan avait choisi "la Quarantaine, le brise-lames de Sète, que nous devions atteindre en bateau pour voir mes œuvres, une bande de terre avec des cellules et un phare. Elle figure d'ailleurs, au lointain, sur la photographie de Gustave Le Gray, La Grande vague (1857). Dans ces années, nous étions tous pétrifiés par le sida. Je faisais des œuvres avec des poissons, des crânes, des têtes de mort. Je ne me voyais pas exposer ceci dans une salle blanche. Cet endroit me convenait très bien. Ce que j'aimais dans cette idée de la quarantaine c'était le soupçon d'être malade plutôt que la maladie. L'idée de passer en bateau, symboliquement comme le passage du Styx, devait amener psychologiquement le visiteur vers l'idée de la peur. Car, le laissant sur la Quarantaine, il ne savait pas si le petit bateau viendrait le rechercher". 

De cette exposition "historique", La bouche de l'étonné (1991) en est un exemple; l'on y voit la gestation de la série des grès émaillés Odore di Femmina, dans cette représentation de l'odeur qui n'est pas le parfum, si directement inspirée du Don Juan de Mozart. Étrangeté qui va jusqu'à nommer La Malcontenta (2015), l'une des Odore, comme une évocation du Don Giovanni filmé par Losey - Ruggero Raimondi dans le rôle séducteur et le Belge José van Dam Leporello - tourné dans les villas paladiennes, la Malcontenta étant l'autre nom de la villa Foscari.

 

Johan Creten, Le Cheval de Troie n°3, 1992/1993. Émail noir et bleu sur terre cuite blanche, socle en métal, 147 x 53 x 47 cm. Courtesy  Almine Rech Gallery, Bruxelles, Galerie Perrotin, Paris & Johan Creten © Marc Dommage & Johan Creten. Photographie in situ de l'exposition Johan Creten. La Traversée. CRAC, Sète.

Séduisantes ses Odore puisque sculptures fragiles, paraissant intouchables, faisant songer aux créations d'un couturier britannique qui fut le directeur artistique d'une maison de l'avenue Montaigne. Mais Odore aux fleurs si tranchantes, "sculptures comme portant des cicatrices de choses que l'on ne voit pas, comme dans des relations humaines", fleurs que Johan modèle l'une après l'autre, comme une naissance continue issue de ses mains. Autre Odore, la grande pièce noire Le cheval de Troie n°3 (1992-1993) évoque les rochers couverts d'essaims de moules, la mère et la mer, renvoie au sens très évocateur de la vulve.

"A la différence de l'art conceptuel, mes sculptures apparaissent fortes pour que hors du contexte, elles survivent". Sa démarche ? Des sculptures dont le contenu parfois subversif passe sous l'idée de la beauté et cache le réel, le sida, l'immigration, le côté pamphlétaire dans une reconstruction du langage. La Perle Noire (2016), une série commencée lors de son séjour comme pensionnaire à la Villa Medici en 1996, la tête d'un noir émergeant d'une moule, renvoie aux marchands de sacs à la sauvette qu'il voyait à Rome. Naissance d'une ombre (1993), née lors d'une invitation à la Villa Arson? Certes un aigle symbolique du régime impérial, qu'il fut romain, napoléonien ou dictatorial. Mais un aigle comme recouvert de guano, de ses propres excréments. 

 

Vue de la salle des tapisseries. Johan Creten, grès émaillés (2013-2014). Verdure à grandes feuilles avec une bordure de fruits et de fleurs sur fond jaune; laine. Enghien ou Grammont, Flandres XVIème siècle. 383 x 331 cm. Ancienne collection Boccara © Gerrit Schreurs & Johan Creten

Flamand, quoi de plus naturel que Johan Creten aime le cabinet des Merveilles, le Kunstkammer, celui des curiosités. Ceci surgit de ses Clay Octo - The Nose, Red Dragon, Silver Dragon ou Silver - (2011-2012), si proches du monde étrange d'un autre grand praticien du grès émaillé, le météore Jean Joseph Marie Carriès (1855-1894). "Les marins anversois prenaient de toutes petites raies, les séchaient. En séchant, celles-ci se transformaient en diables de la mer, ressemblant à des visages puis vendues aux amateurs de cabinets de curiosités". Dialogue d'autant plus visible lorsqu'il confronte trois tapisseries des Flandres du XVIème siècle - dont une rarissime verdure, un pissenlit agrandi à l'extrême, manifestement une commande princière tellement cette mise en valeur d'une unique plante ne peut se rattacher aux traditionnelles aristoloches - à neuf grès émaillés et à une Odore di Femmina - Brain Drain III (2015-2016) faisant songer aux yeux perçants d'un oiseau de proie. Le tout dans une pièce aux murs ni blanc, ni rouge mais vert, un "vert naturellement... Creten". 

 

Johan Creten. Au premier plan The Tempest (2011), sculpture en résine, finition simulation bronze d'après un modèle réduit en grès. Modèle pour une édition en bronze. 35  x 195 cm. Courtesy Almine Rech Gallery, Bruxelles, Belgique. Au second plan, Pliny's Sorrow (2011), sculpture en résine finition simulation bronze d'après un modèle réduit en grès. Modèle pour une édition en bronze. 450 x 450 x 190 cm. Courtesy Almine Rech Gallery, Bruxelles, Belgique © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, novembre 2016, exposition Johan Creten. La Traversée. CRAC, Sète. Remerciements à Johan Creten

"Dans la céramique, l'on ne sait pas si l'émotion va apparaître, car les émaux tu les peins et l'on ne connaît pas ce que la réaction chimique va donner. Je peins comme un aveugle, j'imagine la cuisson avec toujours le miracle de l'ouverture du four". Et ce miracle, le magicien de la pierre philosophale qu'est Johan Creten le renouvelle sans cesse, nouvelle que Pliny's Sorrow (2011), l'immense oiseau aux ailes déployées, dans la dernière salle, prenant son envol, va annoncer. 

Gilles Kraemer

 

 

Johan Creten devant Glory Roma (2016). Lustre or sur grès émaillé. 103 x 78 x 20 cm. © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, novembre 2016, exposition Johan Creten. La Traversée. CRAC, Sète. Remerciements à Johan Creten

 

 

Johan Creten. La Traversée

Centre régional d'art contemporain Occitanie / Pyrénées-Méditerranée 22 octobre 2016 - 15 janvier 2017.

L'exposition est prolongée jusqu'au 17 avril 2017, avec une période de fermeture du 16 janvier au 2 février inclus pour permettre le démontage de l'exposition Athanor.

26 quai aspirant Herber - 34 200 Sète crac.languedocroussillon.fr

Entretien avec Johan Creten lecurieuxdesarts.fr/2016/09/avant-maintenant-demain-entretien-avec-johan-creten.html

Plaquette de 32 pages est disponible, en français et en anglais, avec des photographies in situ de l'exposition. Catalogue Johan Creten. La Traversée / The Crossing. 140 pages. En français et en anglais. Nombreuses photographies in situ de l'exposition. Repêcher et recueillir, texte de Colin Lemoine. Mars 2007. Editions Creten Studio. 

Commissariat Noëlle Tissier. Également au C.R.A.C. Athanor. Petite suite alchimique #1. Jusqu'au 15 janvier 2016. De Halldór Ásgeirsson à Bertrand Lamarche, de Jean-Michel Othoniel à Lionel Sabatté, d'Erik Samakh à Tunga. Commissariat de Pascal Pique. Cette exposition revisite les dimensions symboliques et mythiques liées à la pierre philosophale et aux matériaux, à travers la poétique de l'alchimie. N'oubliez pas un autre lieu d'art contemporain à Sète, celui de Chapelle du quartier haut, avec l'exposition La souplesse du charbon de Patrycja Mastej (née en 1978). 3 décembre 2016-8 janvier 2017

Future exposition au C.R.A.C. Jean-Michel Othoniel. Géographies amoureuses. 11 juin-24 septembre 2017. Et dernière de Noëlle Tissier qui quittera ce magnifique lieu.

Johan Creten est représenté par les galeries Transit à Malines, Almine Rech à Bruxelles, Perrotin à Paris, New York et Hong Kong. Exposition Johan Creten, 8 Gods, Almine Rech Bruxelles, du 9 mars au 8 avril 2017

 (1) lien pour La Grande vague expositions.bnf.fr/legray/grand/145.htm

 

© photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, novembre 2016, exposition Johan Creten. La Traversée. CRAC, Sète. Remerciements à Johan Creten
© photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, novembre 2016, exposition Johan Creten. La Traversée. CRAC, Sète. Remerciements à Johan Creten
© photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, novembre 2016, exposition Johan Creten. La Traversée. CRAC, Sète. Remerciements à Johan Creten
© photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, novembre 2016, exposition Johan Creten. La Traversée. CRAC, Sète. Remerciements à Johan Creten
© photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, novembre 2016, exposition Johan Creten. La Traversée. CRAC, Sète. Remerciements à Johan Creten
© photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, novembre 2016, exposition Johan Creten. La Traversée. CRAC, Sète. Remerciements à Johan Creten
© photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, novembre 2016, exposition Johan Creten. La Traversée. CRAC, Sète. Remerciements à Johan Creten
© photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, novembre 2016, exposition Johan Creten. La Traversée. CRAC, Sète. Remerciements à Johan Creten
© photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, novembre 2016, exposition Johan Creten. La Traversée. CRAC, Sète. Remerciements à Johan Creten
© photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, novembre 2016, exposition Johan Creten. La Traversée. CRAC, Sète. Remerciements à Johan Creten
© photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, novembre 2016, exposition Johan Creten. La Traversée. CRAC, Sète. Remerciements à Johan Creten
© photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, novembre 2016, exposition Johan Creten. La Traversée. CRAC, Sète. Remerciements à Johan Creten
© photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, novembre 2016, exposition Johan Creten. La Traversée. CRAC, Sète. Remerciements à Johan Creten
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© photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, novembre 2016, exposition Johan Creten. La Traversée. CRAC, Sète. Remerciements à Johan Creten

© photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, novembre 2016, exposition Johan Creten. La Traversée. CRAC, Sète. Remerciements à Johan Creten

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