Pierre Gonnord, (Arthur) Van der Putten, 2016 (détail). Photographie couleur, 125 x 165 cm.. © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, août 2016. Exposition Indarra. Pierre Gonnord, Bellevue, Biarritz
Il se fait rare Pierre Gonnord en France ! Ses dernières expositions personnelles ? FRAC Auvergne et l'Abbaye de La Chaise-Dieu en 2009, Maison européenne de la photographie à Paris en 2005. Il est vrai que ce natif de Cholet (1963) vit et travaille à Madrid depuis 1988. Représenté par la galerie madrilène Juana de Aizpuru juanadeaizpuru.es/artista/pierre-gonnord/.
Pierre Gonnord, Maria, Joao & Isaac, 2014 (détail). Photographie couleur, 147 x 110 cm.. © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, août 2016. Exposition Indarra. Pierre Gonnord, Bellevue, Biarritz
Une quarantaine de photographies de nourrissons, d'enfants, de femmes, d'hommes, d'animaux, de paysages, de cet autodidacte sourçant ses références auprès de Brassaï et de ses "citadins anodins et banals", de "l'art du silence et de la poésie" de Manuel Álvarez Bravo ou des " troublants revenants du royaume des morts" du Fayoum. Photographies de 2004 à 2016, de la série Gente de la tierra (Gens de la terre) à celle de Gitanos de la Raya (Gitans de la Raya), de Retratos venecianos (Portraits vénitiens) à Mineros (Mineurs), les quatre chevaux me faisant penser à ceux du fronton et de la frise des cavaliers du Parthénon dans leur beauté sculpturale et des paysages étasunien et espagnol. Le titre de son exposition biarrote ? Indarra. Force en langue basque, en référence à ses récentes photographies dans la thématique des jeux de la force basque en Gipuzkoa et Navarre, une commande de la ville de Biarritz financée par la fondation Donastia/San Sebastian.
De gauche à droite : Pierre Gonnord, Incendio III, 2009 et Incendio I, 2009. Photographie couleur, chacune 180 x 240 cm.. © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, août 2016. Exposition Indarra. Pierre Gonnord, Bellevue, Biarritz
Exposition coup de poing dans une scénographie subtile, dans une présentation tirée au cordeau et sans emphase. D'habitude, les vitres devant les œuvres jurent lorsqu'elles ne sont pas antireflet, nuisant à la perception frontale. Exception pour Francis Bacon qui souhaitait que ses tableaux fussent présentés de cette façon, le voir et se voir concomitamment. Nul problème ici pour Pierre Gonnord. Dans un jeu des reflets, chaque photographie joue dans une distance avec l'autre. La jeunesse d'Attia (2010) avec le visage si Murillo de Senen (2009), la hiératique Maria en une posture de déesse grecque (2006) avec Julia (2011) si Louise Bourgeois, Elena y Aquiles II (2014) avec Maria, Joao & Isaac (2014), deux mères allaitant leurs enfants, le paysage en feu d'Incendio III (2009) avec Senen. En cherchant,, vous trouverez d'autres passerelles, d'autres subtiles mises en abyme.
Pierre Gonnord, Salaberry I, 2016. Photographie couleur, 110 x 147 cm.. © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, août 2016. Exposition Indarra. Pierre Gonnord, Bellevue, Biarritz
Première photographie : Antonio (2004), homme mûr, barbu, posture à la Monsieur Bertin (1832) d'Ingres influençant tant Ernest Renan de Léon Bonnat ou Gertrude Stein (1905-1906) de Picasso. Ce n'est pas le regard, si présent dans la démarche de Gonnord qui frappe, mais les mains, des mains énormes. Est-ce pour ceci que le photographe a souhaité sortir de son cadrage habituel, de cette force du regard, et de lui offrir un fond clair en comparaison des autres portraits de femmes et d'hommes surgissant du fond noir devant lequel ils ont posé. Même les animaux ont droit à cette mise en scène, le taureau Orio nous regardant de son œil noir. Comme le bélier si opportunément nommé Jason (2013) placé dans la dernière salle, en dialogue avec Salaberry I (2016), torse nu, regard baissé, visage caravagesque, portant sur ses épaules une brebis, tel le renvoi au Jason conquérant de la Toison d'or (celle d'un bélier dans la réalité). Très bon choix de sa reproduction en double page du catalogue, un visage qui ne peut s'oublier.
Pierre Gonnord, Salaberry I, 2016. Photographie couleur, chacune 110 x 147 cm.. © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, août 2016. Exposition Indarra. Pierre Gonnord, Bellevue, Biarritz
Cadrage très rapproché, visage de face ou de biais, histoire perceptible instantanément qui sourd de chacun. Voici la signature de Pierre Gonnord. Cette puissance et ces yeux dans lesquels l'on se noie appert magistralement de la photographie-choix de l'affiche de l'exposition : [Arthur] Van der Putten, néerlandais par son père, basque par sa mère, excellant dans le lever d'enclume - ingude altxatzea -. Ici, Pierre n'a pas souhaité immortaliser Arthur dans cette spécialité de la force basque mais dans celle de la course au sac - zaku lasterketa -. Physique si proche d'un Atlante de Puget, d'une peinture des frères Carrache de la galerie Farnese du palais romain éponyme, de la statue en bronze du dieu du cap d'Artémision. Le visage tourné vers le lointain, concentré, grave, un sac sur le dos, il s'apprête au départ de cette course d'une distance de 120 mètres. Le leveur d'enclume - ingude altxatzea - Urrutia II comme dans une position d'Héracles soulevant Antée, effort absolu dans un magnifique cadrage triangulaire et une autre épreuve de force, celle du lever de pierre - harri jasotze - par [Joxe Ramon Iruretagoiena] Izeta II avec une pierre ovale pouvant atteindre 120 kilos et Lopetegi avec une pierre ronde d'un quintal ; comment ne pas songer à Atlas avec ce cadrage tout en courbes focalisé sur les mains enserrant ces pierres ? Exposition magnifique et remarquable.
Gilles Kraemer
déplacement et séjour à titre strictement personnel
Vues de l'exposition Indarra. Pierre Gonnord © photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, août 2016. Exposition Indarra. Pierre Gonnord, Bellevue, Biarritz
Indarra. Pierre Gonnord
9 juillet - 2 octobre 2016
Espace muséal du Bellevue - 64200 Biarritz
Catalogue. 170 pages. Textes de Pablo Berástegui et Pierre Gonnord. Certaines photographies reproduites dans le catalogue ne figurent pas dans cette exposition. En langue française, basque et espagnole. Éditeur direction des affaires culturelles de la ville de Biarritz
ville.biarritz.fr/expo-pierre-gonnord-indarra/
Deux autres expositions vues à Bayonne (1660. Un mariage royal après le Traité des Pyrénées. Politique et famille, entre France et Espagne) et à Guéthary (Gabriel Deluc, l'(in)connu grand peintre de Saint-Jean- de-Luz) lors de déplacements et de séjours à titre strictement personnel.
Précédentes expositions à Bellevue : été 2014 De Jan Toorop et Émile Claus à Panamarenko et Jan Fabre. Entre rêves et réalités de maîtres de l'art belge du musée d'Ixelles, Bruxelles; été 2013 www.lecurieuxdesarts.fr/2013/07/l-art-mexicain-1920-1960-eloge-du-corps.html et été 2012 Biarritz vu par Georges Ancely
En haut Bola, pierre de championnat, 100 kg.. En bas Harria Baldara, pierre d'entraînement, 120 kg.. © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, août 2016. Exposition Indarra. Pierre Gonnord, Bellevue, Biarritz