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Publié par Gilles Kraemer

Entretien avec Jean-Michel Othoniel, dans le TGV, entre Paris et Montpellier, 30 juin 2016. Un voyage entre Rome, Venise, Angoulème et aujourd'hui Sète.

Jean-Michel Othoniel, Le Trésor de la cathédrale d'Angoulême (détail), 2016. Une œuvre d'art totale révélée en septembre 2016 © photographie Jean-Michel Othoniel

Jean-Michel Othoniel, Le Harnais, 1997. Verre de Murano. 120 x 80 x 2,5 cm. Collection agnès b., Paris. Photographie Jean-Michel Othoniel. Vue de l'exposition de l'artiste à la Peggy Guggenheim Collection, Venise, Italie, 1997 © Jean-Michel Othoniel / ADAGP, Paris 2016

Le Curieux des arts : Un retour en arrière, Jean-Michel Othoniel !

Jean-Michel Othoniel : En 1997 j'ai résidé une année à la Villa Médicis. Ce moment fut unique car je suis un grand défenseur de cette bulle dorée dans laquelle les artistes peuvent se poser, réfléchir. Il y a très peu de lieux dans le monde qui offrent une telle possibilité aux artistes. Ce lieu sur la colline du Pincio est unique à Rome, unique dans le monde. Cette proposition que l'on vous fait d'avoir le temps de penser à votre travail est unique dans la carrière d'un artiste.

Les conditions en sont exceptionnelles ! Un atelier - celui que j'occupais fut précédemment celui de Yan Pei-Ming -, être à Rome et toucher une bourse. On peut se permettre de s'abstraire ainsi pendant un an et effectuer un bilan. Ceci est très rare dans une carrière. 

Cette année de réflexion sur mon travail m'a permis de poser les choses, de trouver des nouvelles idées. C'est là où j'ai commencé à travailler sur le verre. La même année, j'eus une exposition dans le jardin de la Fondation Peggy Guggenheim à Venise, lors de la 47e Biennale des arts. Une énorme visibilité. Et un moment exceptionnel qui m'était offert en présentant mes œuvres suspendues dans les arbres de la fondation. 

Jean-Michel Othoniel, Le Trésor de la cathédrale d'Angoulême (détail), 2016. Une œuvre d'art totale révélée en septembre 2016 © photographie Jean-Michel Othoniel

Le C des A : Maintenant ?

J.-M. O : Angoulême où je mets en scène le Trésor de la cathédrale Saint-Pierre. Cette commande, sur laquelle je travaille depuis dix ans, devrait être terminée à l'automne 2016. C'est une œuvre d'art totale avec la création de trois espaces dans lesquels sont mis en scène différents éléments du trésor qui n'ont jamais été montrés au public. J'ai entièrement scénographié, travaillé sur les sols, les murs, les vitraux pour lesquels il y a plus de 10 000 morceaux de verre assemblés, j'ai créé le mobilier. Ma vision du Trésor, celle de ce trésor liturgique, est orientée vers le merveilleux, le sacré évidemment. Et avec une idée d'enchantement.

Le C des A : Un Kunstkammer ?

J.-M. O : Oui. Mais ce lieu, cette église est également un moment où l'on réinterroge une période très spéciale de l'histoire de l'art : celle du néo-roman. Saint-Pierre, cathédrale romane, édifiée vers 1100, fut restaurée par Paul Abadie, dans les années 1850-1875, en ne s'arrêtant pas à l'état roman mais à celui du style néo-roman, tendance architecturale mettant à l'honneur les formes inspirées du Moyen-Âge roman. Cette période, un peu délaissée en France, m'a intéressé pour son aspect décoratif, pour sa sculpture populaire en plâtre peint, pour tout cet univers qui constitue des sursauts de la foi.

Jean-Michel Othoniel, Le Cœur de l'Hôtel-Dieu, 2014. Fonte d'aluminium miroité, verre, inox poli miroir. 700 x 300 x 220 cm. Commande publique de la Communauté d'agglomération du Puy-en-Velay avec le soutien du ministère de la  Culture et de la Communication-Drac Auvergne. Photographie Jean-Michel Othoniel ©Jean-Michel Othoniel / ADAGP, Paris 2016

Le C des A : Cette incursion dans le domaine religieux est-elle récente ?

J.-M. O : Ce n'est pas ma première confrontation. Je suis intervenu au château La Coste, Le Puy-Sainte-Réparade, dans la région d'Aix-en-Provence, en 2008 dans le réaménagement d'une ancienne chapelle en pierres sèches confié à l'architecte japonais Tadao Ando; ma participation fut celle de la Grande Croix rouge, une œuvre de quatre mètres de haut placée à l'extérieur de ce bâtiment. J'ai également travaillé pour des projets de vitraux qui n'ont pas abouti.

J'ai eu une exposition à l'Hôtel Dieu au Puy-en-Velay il y a deux ans [29 mars-2 novembre 2014]; son commissariat fut assuré par Catherine Grenier qui était la commissaire de mon exposition retraçant mon parcours au centre Pompidou [My Way, Jean-Michel Othoniel, printemps 2011, présentant 80 œuvres de 1987 à 2011]. La notion du sacré, non abordée à Paris le fut au Puy, questionnement important dans mon travail. Une de mes oeuvres, Le Coeur de l'Hôtel-Dieu, est installée d'une façon pérenne dans cette ville.

NDR :  L'aménagement scénographique du Trésor de la cathédrale Saint-Pierre d'Angoulême, commande de la Drac Poitou-Charentes a porté sur le choix des éléments du trésor à présenter et leur mise en scène, sur la création d'un papier peint par l'entreprise Offard de Tours, sur les vitraux mais aussi les carreaux en ciment, sur la création d'un mobilier couvert de perles de verre de Murano, sur des broderies à l’or... En janvier 2014, le grand vitrail - 6,5 mètres de haut sur 4 de large - composé de 10 000 pièces dans neuf nuances de bleu, une teinte ambrée, une autre dorée, a été installé; il fut fabriqué dans les ateliers de Jacques Loire, maître verrier à Chartres. En le regardant  attentivement, apparaît en son centre une immense croix entre les entrelacs de plomb séparant les pièces de verre teintées.

Jean-Michel Othoniel, Le Rigaudon de la Paix, 2011. Aquarelle sur papier. 26 x 36 cm.. Collection de l’artiste. Remerciements Jean-Michel Othoniel

 Le C des A : Et demain Sète.

J.-M. O : C'est un retour dans cette ville dans laquelle j'ai exposé, dans le cadre des résidences d'artistes de la Villa Saint-Clair, dans ce qui fut l'ancienne caserne Vauban, en 1988, avec Yan Pei-Ming et Philippe Perrin. La Villa Saint-Clair fut dirigée par Noëlle Tissier, l'actuelle directrice du Centre Régional d'Art Contemporain de Sète.

L'idée de cette exposition qui se déroulera au CRAC, à l'été 2017, est de ne montrer que des œuvres nouvelles, puisque depuis mon exposition au Centre Pompidou, en 2011, je n'ai pas présenté de créations récentes en France : une trentaine seront exposées dont une grande sculpture spectaculaire. Et de nombreux dessins, 300, depuis ceux de mes débuts jusqu'à ceux de Versailles [réaménagement du bosquet du Théâtre d'eau dans les jardins du château avec le paysagiste Louis Benech : Les Belles Danses, 2015], de l'entrée et de l'escalier du métro Louvre-Palais Royal, place Colette à Paris [Le Kiosque des Noctambules, octobre 2000], d'Angoulême. Ils seront exposés au premier étage de ce centre, dans ce lieu qui pour moi est l'un des plus beaux pour l'art contemporain. Cette vaste démonstration est la marque de l'importance du dessin dans mes projets. Dessins de format carnet car j'utilise toujours des carnets d'aquarelles, les mêmes, dans des dimensions 24 x 36 centimètres. Pour la première fois, seront exposés de grands dessins et une quinzaine de peintures dont certaines furent présentées au Centre Pompidou.

L'idée serait que cette exposition soit visible dans d'autres institutions, en Asie, aux États-Unis. Mais tout ceci est à l'étude avec la galerie Emmanuel Perrotin qui apporte son aide à cette présentation sétoise.

Jean-Michel Othoniel, Locus Solus, livre d’artiste en édition limitée à partir du texte de Raymond Roussel, 2015. Quatre-vingt-dix exemplaires signés et numérotés de 1 à 90, quarante-cinq exemplaires signés et numérotés de I à XLV, accompagnés d’une création inédite de l’artiste, L’Étoile d’or. Éditions Dilecta.

Le C des A : Un de vos secrets ?

J.-M. O : Locus Solus de Raymond Roussel (1914) que j'ai illustré pour les éditions Dilecta en 2015. L'aspect proto-surréaliste que l'on trouve chez Roussel m'intéresse et m'a beaucoup inspiré. C'est une des faces cachées de mon travail avec les sculptures de papier d'un livre pop-up : Les Nœuds de Janus (2009) paru chez le même éditeur. 

Gilles Kraemer

 

Né en 1964 à Saint-Étienne, Jean-Michel Othoniel vit et travaille à Paris. Il est représenté par la galerie Perrotin www.perrotin.com/fr/artists/Jean-Michel_Othoniel/9#images

Éditions Dilecta www.editions-dilecta.com/fr/dilecta-/341-locus-solus

Séjour de Jean-Michel Othoniel à la Villa Saint Clair à Sète  en 1988 /www.lecurieuxdesarts.fr/2016/07/de-la-re-decouverte-des-peintures-murales-de-yan-pei-ming-entretien-avec-noelle-tissier-directrice-du-crac

Château La Coste http://chateau-la-coste.com/

Un grand remerciement à Benjamin C. d'Othoniel Studio

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