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Publié par Gilles Kraemer

Frédéric Bazille, Portraits de la famille ***, dit La Réunion de famille . Été 1867 - début de l'hiver 1868. Huile sur toile, 152 x 230 cm. Signé et daté en bas à gauche : F.Bazille 1867. Paris, musée d'Orsay, acquis avec la participation de Marc Bazille, frère de l'artiste, 1905. Photo (C) RMN - Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski / Service presse/ Musée d'Orsay

"Carrière puissante et presqu'un miraculé de l'Histoire de l'art. Après sa mort, il s'en est fallu de peu qu'il disparaisse définitivement car il n'avait rien vendu de son vivant. Tous ses tableaux étaient conservés dans sa famille, auprès de ses parents et de quelques amis". Amis avec Fantin-Latour et Forêt de Fontainebleau (1865), Renoir, Édouard Blau et Edmond Maître pour leur portrait respectif. Ainsi Michel Hilaire définit Bazille auquel le musée Fabre de Montpellier, sa ville natale, consacre l'exposition Frédéric Bazille, la jeunesse de l'impressionniste. Forte de plus de 120 numéros - ses peintures et celles d'autres peintres d'Alexandre Cabanel à Alfred Sisley, dessins, son unique gravure : l'eau-forte Vue de village tirée post mortem, sculptures, lettres à sa famille, objets personnels -, elle réunit 45 tableaux de Bazille, presque son corpus peint fort d'une cinquantaine de tableaux.

De 1950, exposition Bazille organisée chez le marchand Daniel Wildenstein à Paris pour laquelle Gabriel Sarraute écrivait que "La gloire de Frédéric Bazille commence à peine. Plus on étudiera son œuvre et plus cette gloire grandira" à 2016, que de chemin parcouru pour que "la figure de Bazille [obtienne] sa carrure internationale" comme le souligne Paul Perrin dans le catalogue accompagnant cette exposition, une des plus sensibles de cet été français. Il y eu cependant, entre autres, les expositions rétrospectives en 1910 à Paris, 1927 à Montpellier, 1978 à Chicago, celle du 150e anniversaire en 1991 à Montpellier et 2003 à Paris.

6 décembre 1841, Jean Frédéric Bazille naît à Montpellier, grande famille d'orfèvres, de négociants et de notables, son père est avocat, famille de la haute société protestante. 28 novembre 1870, il est tué à la bataille de Beaune-la-Rolande, lors de la guerre contre la Prusse, s'étant engagé dans le 3e régiment des zouaves. Il était sergent-major. À quelques jours de ses 29 ans. Son père offrira, en 1871, à l'église de ce chef-lieu de canton du Gâtinais Le Mariage mystique de sainte Catherine (1864), copie par son fils de la toile éponyme de Véronèse conservée au musée montpelliérain.

Frédéric Bazille, Négresse aux pivoines. Printemps 1870. Huile sur toile, 60,5 x 75,4 cm.. Signé et daté en bas à gauche : F. Bazille 1870. Montpellier, musée Fabre, inv. 18.1.3. Don de Marc Bazille au musée Fabre, Montpellier, en 1918 © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Frédéric Bazille, la jeunesse de l'impressionnisme, musée Fabre, Montpellier, juin 2016

Si sa mère n'avait pas donné au musée Fabre en 1898 Nature morte au héron (1867) et Vue de village (1868), son frère Marc donné en 1918 Étude de nue, dit aussi Nu couché (1864), Études pour une vendange (1868), La Toilette (1870) et Négresse aux pivoines (1870) à cette même institution puis en 1924 légué La Robe rose (1864) et L'Atelier de la rue Condamine au musée du Louvre, aidé à l'acquisition par les musées nationaux en 1905 de La Réunion de famille (1867), son œuvre aurait-il été connu ? Serait-il sorti des collections familiales ? Lui qui s'inscrit à l'atelier de Charles Gleyre à l'automne 1862, abondonne ses études à la faculté de médecine de Paris à l'été 1864 qu'il menait de front, expose Poissons au Salon de 1866 ?

Frédéric Bazille, son oncle Eugène des Hours, mari d'Adrienne Vialars, Camille Vialars et Gaston Bazille les parents de l'artiste. Détail du tableau de Frédéric Bazille, Portraits de la famille ***, dit La Réunion de famille. Été 1867 - début de l'hiver 1868. Huile sur toile, 152 x 230 cm. Signé et daté en bas à gauche : F.Bazille 1867. Paris, musée d'Orsay, acquis avec la participation de Marc Bazille, frère de l'artiste, 1905 © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Frédéric Bazille, la jeunesse de l'impressionnisme, musée Fabre, Montpellier, juin 2016

Il termine Portraits de la famille ***, dit La Réunion de famille en janvier 1868, âgé de 26 ans. Présenté au Salon de la même année, Émile Zola décèle "un vif amour de la vérité" chez cette figure incontournable de l'avant garde réaliste des "actualisés" comme il dénomme ces jeunes peintres. Dans cet hommage à sa famille, une image idéale, heureuse et prospère sauf que ses parents n'arrive pas à marier le "grand" Bazille, il se rajoute dans la composition dans le coin gauche à côté de son oncle Eugène des Hours. Tous se trouvent réunis sur la terrasse du domaine familial de Méric à l'ombre du grand marronier d'Inde, un dimanche d'août 1867, avec cette échappée sur le paysage et la route de Nîmes. Ils le regardent, se tournent vers lui comme s'il s'agissait d'un instantané photographique, enfin presque tous, son père avocat, décoré de la Légion d'honneur, regardant ailleurs, comme dans un désintérêt du choix de la carrière de peintre par son fils aîné, comme une muette désapprobation de l'obligation de poser.

Frédéric Bazille, Vue de village. 1868. Huile sur toile, 137,5 x 85,5 cm.. Signé et daté en bas à droite : F Bazille 1868. Montpellier, musée Fabre, inv. 898.5.1. Don de Mme Gaston Bazille (née Camille Vialars), mère de l'artiste, au musée Fabre, 1898 © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Frédéric Bazille, la jeunesse de l'impressionnisme, musée Fabre, Montpellier, juin 2016

Peindre des figures au soleil. "Le grand Bazile [sic]  a fait une chose que je trouve fort bien ; c’est une petite fille en robe très claire assise à l’ombre d’un arbre derrière lequel on aperçoit un village ; il y a beaucoup de lumière et de soleil. Il cherche ce que nous avons si souvent cherché : mettre une figure en plein air et cette fois, il me paraît avoir réussi." Ainsi Berthe Morisot écrit-elle à sa sœur Edma Pontillon, 5 mai 1869, en parlant de Vue de village (1868), peinture que l'on retrouve sur les murs de L'Atelier de la rue La Condamine. Un autre chef d'œuvre exposé dans la même salle inondée de lumière de La Réunion de famille avec La Robe rose (été 1864), la salle des merveilles, le cœur battant de l'exposition, après avoir quitté la salle de ses trois vues des remparts d'Aigues-Mortes baignés de soleil. Un chef d'œuvre que cette toile en hauteur, cette Vue de village, il n'a pas encore 27 ans. A chaque fois, songez à l'âge de Bazille face à ses toiles; comment la stupéfaction ne pourrait-elle pas sourdre devant cette maîtrise ? Une jeune fille, la fille des métayers italiens de ses parents, en habit du dimanche. Cette figure dans un cadre de plein air, c'est la modernite, le regard va du premier plan au second avec un jeu de construction, des échappées vers le paysage, un engagement à la sincérité avec un souci de la composition. La chaleur écrasant le village de Castelnau, l'étiage très bas du fleuve Lez, l'ombre du pin, tout ceci est palpable, se ressent. Dans cette même salle, Femmes au jardin (1866) de Claude Monet, comme un rappel des liens unissant le Montpelliérain et le Parisien, le souvenir que cette grande toile d'Orsay appartenant à Frédéric fut échangée par ses parents contre le Portrait de Frédéric Bazille (1867) peint par Auguste Renoir, propriété d'Édouard Manet. Cette dernière toile est présentée à Fabre, à côté de Nature morte au héron de Bazille dans un format vertical opposé à celui horizontal du même sujet d'Alfred Sisley Le Héron aux ailes déployées. Ces trois toiles furent peintes, dans l'atelier du 20 rue Visconti que Bazille partageait avec Renoir.

Bazille occupa six ateliers à Paris; trois d'entre eux sont exposés ici, comme dans un jeu de "partez à la recherche dans les salles de l'exposition des toiles qui y sont représentées". À vous de retrouver dans L'Atelier de la rue de Furstenberg (1865) partagé avec Monet les deux toiles de celui-ci : Bord de mer à Honfleur (1864) et Route de la Ferme Saint-Siméon (1864), allusifs à son voyage avec lui à Honfleur en mai 1867. L'Atelier de la rue Visconti (mai 1867) avec La Macreuse (1864), Petite italienne chanteuse des rues (1866), Jeune femme aux yeux baissés (hiver 1866-1867) et de Monet Rue de la Bavole, Honfleur (vers 1864). Pour L'Atelier de la rue La Condamine (hiver 1869-1870) se trouvant au premier étage, où il se figure avec 5 amis, La Terrasse de Méric (été 1866-hiver 1867), Le Pêcheur à l'épervier (été 1868), La Toilette en cours de réalisation, La Tireuse de cartes se retrouvent plus facilement.

Frédéric Bazille, Le Pêcheur à l'épervier. Eté 1868. Huile sur toile, 137,8 x 86,6 cm.. Signé et daté en bas à droite : F Bazille Juillet 1868. Remagen, Arp Museum Bahnof Rolandseck, collection Rau pour l'Unicef, inv. GR 1.653 © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Frédéric Bazille, la jeunesse de l'impressionnisme, musée Fabre, Montpellier, juin 2016

L'homoérotisme, dans une salle, celle du nu moderne, à côté des Cézanne : Le Baigneur au rocher et Baigneurs. Le nu masculin réaliste, très réaliste, d'une troublante sensualité, comme si l'on pouvait toucher le corps viril aux fesses fermes du Pêcheur à l'épervier (été 1868), dans cette lumière coulant à flot dans l'arrière plan. L'académisme des nus masculins aux corps bien lisses et sculpturaux, divins ou de héros, est bien loin, celui d'Étude pour Le Paradis perdu : Adam d'Alexandre Cabanel (1863-1867) ! Et Scène d'été (1869-1870) venu de Cambridge, ayant rejoint l'exposition à mi-juillet, alors qu'il ne figurait pas dans le catalogue pour l'étape de Montpellier. Encore un tableau troublant décrit par Paul Perrin telle une "ode à la gloire d'un hédonisme homosocial, sinon homoérotique, la Scène d'été est sans doute l'une des œuvres les plus personnelles de l'artiste". Ce sont deux toiles dans lesquelles appert "l'expression contenue d'un désir homosexuel" comme quelques critiques le soulignèrent dès 1978. Cette Scène d'été se construit de regards et d'observations, l'homme allongé regardant celui qui se déshabille, l'homme dans l'eau regardant celui adossé à l'arbre dans une position identique à celle d'un Saint Sébastien, l'homme âgé aidant le jeune à sortir de l'eau, dans un jeu entre lointain et proximité physique.

Dans la lumière du Sud, dans la lumière de Montpellier, Bazille triomphe.

Gilles Kraemer (voyage de presse)

Frédéric Bazille, la jeunesse de l’impressionnisme

25 juin - 16 octobre 2016

Musée Fabre - 34000 Montpellier

museefabre.montpellier3m.fr/

Commissariat de Michel Hilaire, directeur du musée Fabre, Paul Perrin, conservateur des peintures au musée d'Orsay & Kimberley A. Jones, conservateur associé au département des peintures françaises à la National Gallery of Art, Washington

L'exposition sera visible à Orsay, Paris, du 15 novembre 2016 - 5 mars 2017 puis à la National Gallery of Art, Washington, du 9 avril - 9 juillet 2017.

Catalogue sous la direction de Michel Hilaire et Paul Perrin. Textes de Michel Hilaire : Le paradis des grandes vacances de Frédéric Bazille; Jean-Claude Yon : Autoportrait en spectateur. Bazille et les spectacles parisiens d’après sa correspondance; Stanislas Colodiet : Bazille et la nature morte; François-Bernard Michel : Frédéric Bazille : Claude Monet préféré à Hippocrate; Kimberly A. Jones : Pratique et procédés dans l’œuvre de Frédéric Bazille; Philippe Mariot: Une symphonie inachevée : Frédéric Bazille et la guerre de 1870 & Paul Perrin : La gloire de Frédéric Bazille commence à peine. Aussi : généalogies des familles Bazille, Tissié et Vialars, cartes de Paris et de Montpellier avec lieux fréquentés par Bazille, facsimilés de lettres écrites à sa famille. Historique, expositions et bibliographies dans notices des oeuvres présentées, une pratique exceptionnelle dans les catalogues publiés en France à souligner. 304 pages, 250 illustrations. ISBN 978-208-138-82-15. Éditions Flammarion /Musée d’Orsay. Prix 45 €.

Montpellier au temps des BazilleHôtel de Cabrières - Sabatier d’Espeyran, département des Arts décoratifs du musée Fabre (juste à côté du musée Fabre) - 6 bis rue Montpelliéret - 34000 Montpellier. Cette sélection d'une centaine de pièces - objets, accessoires, costumes - évoque la vie à Montpellier au temps des Bazille. Dans des salons à l'atmosphère viscontienne, du prince Salina. 

Autre exposition à Montpellier, celle de Déluge de Barthélémy Toguo au Carré Sainte-Anne - Du 22 juin au 6 novembre 2016. www.montpellier.fr/evenement/18185/3624-une-exposition-inedite-de-barthelemy-toguo-a-montpellier-cet-ete.htm

 

Vues du domaine de Méric, Montpellier © photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse, juin 2016
Vues du domaine de Méric, Montpellier © photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse, juin 2016
Vues du domaine de Méric, Montpellier © photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse, juin 2016
Vues du domaine de Méric, Montpellier © photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse, juin 2016
Vues du domaine de Méric, Montpellier © photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse, juin 2016
Vues du domaine de Méric, Montpellier © photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse, juin 2016

Vues du domaine de Méric, Montpellier © photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse, juin 2016

Vues de l'exposition Frédéric Bazille, la jeunesse de l'impressionnisme, musée Fabre, Montpellier © photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Frédéric Bazille, la jeunesse de l'impressionnisme, musée Fabre, Montpellier, juin 2016
Vues de l'exposition Frédéric Bazille, la jeunesse de l'impressionnisme, musée Fabre, Montpellier © photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Frédéric Bazille, la jeunesse de l'impressionnisme, musée Fabre, Montpellier, juin 2016
Vues de l'exposition Frédéric Bazille, la jeunesse de l'impressionnisme, musée Fabre, Montpellier © photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Frédéric Bazille, la jeunesse de l'impressionnisme, musée Fabre, Montpellier, juin 2016
Vues de l'exposition Frédéric Bazille, la jeunesse de l'impressionnisme, musée Fabre, Montpellier © photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Frédéric Bazille, la jeunesse de l'impressionnisme, musée Fabre, Montpellier, juin 2016
Vues de l'exposition Frédéric Bazille, la jeunesse de l'impressionnisme, musée Fabre, Montpellier © photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Frédéric Bazille, la jeunesse de l'impressionnisme, musée Fabre, Montpellier, juin 2016
Vues de l'exposition Frédéric Bazille, la jeunesse de l'impressionnisme, musée Fabre, Montpellier © photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Frédéric Bazille, la jeunesse de l'impressionnisme, musée Fabre, Montpellier, juin 2016
Vues de l'exposition Frédéric Bazille, la jeunesse de l'impressionnisme, musée Fabre, Montpellier © photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Frédéric Bazille, la jeunesse de l'impressionnisme, musée Fabre, Montpellier, juin 2016
Vues de l'exposition Frédéric Bazille, la jeunesse de l'impressionnisme, musée Fabre, Montpellier © photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Frédéric Bazille, la jeunesse de l'impressionnisme, musée Fabre, Montpellier, juin 2016
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Vues de l'exposition Frédéric Bazille, la jeunesse de l'impressionnisme, musée Fabre, Montpellier © photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Frédéric Bazille, la jeunesse de l'impressionnisme, musée Fabre, Montpellier, juin 2016

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