Lino Selvatico, peintre d'un Belle Époque vénitienne
cLino Selvatico (Padoue 1872 - 1924 Biancade-Trévise), Portrait de la comtesse Annina Morosini, 1908. Huile sur toile. 228 x 119 cm.. Venise, Ca'Pesaro - Galleria Internationale d'Arte Moderna © Photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, juin 2016. Exposition Lino Selvatico. Una seconda Belle Époque. Venise, Ca' Pesaro - Galleria Internazionale d'Arte Moderna
Il y a du James Abbott McNeill Whistler (1834-1903), celui d'Arrangement en noir et or : le comte Robert de Montesquiou-Fezensac (1891-1892) dans le Portrait de la comtesse Annina Morosini, née Anna Sara Nicoletta Maria Rombo à Palerme en 1864, épouse à l'âge de 21 ans du comte Michele Morosini. Lino Selvatico la représenta en 1908, elle a 44 ans, séparée de son époux. Robert a 46 ans. Figures incontournables du monde, de leur monde, lui, le poète, écrivain, mécène, dandy, un des modèles du baron Charlus pour Marcel Proust, elle, habitant Ca d'Oro à Venise, désignée comme la plus belle femme d'Italie, recevant les têtes couronnées d'une Europe qui disparaîtra dans la Grande Guerre. Vêtue de noir et chemisier blanc, tenant sur le bras droit une immense pelisse, la comtesse pose sa main gauche sur la tête de son lévrier blanc qui la regarde. Seul point de lumière, le ruban bleu autour du cou du chien, dans cette harmonie en noir et en blanc. Une badine dans la main droite, en frac noir et plastron blanc, le comte Robert porte sur le bras gauche la longue cape en chinchilla de la comtesse Henry Greffuhle, née Élisabeth de Caraman-Chimay, sa cousine, un des modèles de la duchesse de Guermantes. Tout un monde est là, celui d'avant le cataclysme.
Lino Selvatico, Francesca avec le masque, vers 1920. Huile sur toile. 76 x 62 cm.. Collection privée © Remerciements service de presse Fondazione Musei Civici Venezia
Pour ce portrait en pied, il paraissait évident à Annina de se rendre à Paris et de commander spécialement un habit. à la maison Worth. Celle-ci créa pour la divine Annina, "un modèle unique et inédit qui devait défier le temps et la mode et dessina le chapeau que Reboux confectionna" peut on lire sur une feuille collée à l'envers du tableau. Ce chef-d'œuvre de Selvatico, dont l'accueil ne fut pas enthousiaste à la 8ème Biennale de Venise de 1909, fut qualifié "d'excessivement recherché et sombre, bitumeux et astiqué comme une carosserie neuve". Qui se souvient encore d'Élisabeth et Annina ? Se sont-elles rencontrées ? Pas selon Laure Hillerin qui dans son ouvrage La comtesse Greffuhle. L'ombre des Guermantes n'évoque pas la comtesse italienne. Ne reste plus d'elles que les photograhies d'Otto et de Nadar ou l'envoûtant tableau de Selvatico.
Lino Selvatico, Maternité (étude pour un portrait), vers 1917. Huile sur toile. 68 x 50 cm.. Collection privée © Remerciements service de presse Fondazione Musei Civici Venezia
Lino Selvatico, Maternité (étude pour un portrait), vers 1917. Huile sur toile. 68 x 50 cm.. Collection privée © Remerciements service de presse Fondazione Musei Civici Venezia
De gauche à droite. Lino Selvatico, Mère et enfant, 1922. Huile sur toile. 167 x 113 cm. Venise, Ca' Pesaro - Galleria Internazionale d'Arte Moderna // Lino Selvatico, Riccardo, 1923. Huile sur toile. 170 x 110 cm.. Collection privée © Photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, juin 2016. Exposition Lino Selvatico. Una seconda Belle Époque. Venise, Ca' Pesaro - Galleria Internazionale d'Arte Moderna.
Face à la "meravigliosa contessa", le tableau le plus emblématique, focalisant tous les regards, difficile pour les autres femmes de lutter contre cette remarquable mise en scène de la vénitienne d'adoption qui lança le succès du Prosecco et préférait recevoir des objets en argent plutôt que des fleurs. Je retiendrai les tableaux de son épouse Francesca et de leur fils unique Riccado (1919 et 1922), celui de Francesca masquée (vers 1920). Et surtout l'étonnant Riccardo (1923) âgé de 9 ans, semi agenouillé, tenant un bâton surmonté d'un hibou sorti de sa cage, comme la symbolique du passage du monde de l'enfance vers celui de l'adolescence. Quant à ses modèles, ils ne me semblent pas très révélateurs de sa maîtrise picturale. Des encadrements très beaux, pour certains du XVIIème siècle, compensent ceci.
Gilles Kraemer (déplacement et séjour à titre strictement personnel)
Lino Selvatico. Una seconda Belle époque
14 mai - 31 juillet 2016
commissariat Elisabetta Barosini
Ca'Pesaro - Gallerie Internazionale d'Arte Moderna - Venise
vaporetto linea 1, fermata San Stae. En descendant, allez vers la gauche. Même arrêt que Museo di Palazzo Mocenigo et Fondazione Prada
Catalogue. Contributions de Elisabetta Barisoni, Silvia Borsetto, Clarissa Coidessa, Irene Fonte, Sergio Marinelli, Michela Miraval, Giovanna Niero, Ivano Sartor, Nico Stringa. 160 pages. Éditions Lswr / Fondazione Musei Civici Venezia. 20 €. Catalogue indispensable et très dense. Dommage que le choix d'un corps de caractère trop petit en rende la lecture malcommode.
Ringraziamenti a Antonella L. e Riccardo B..
Lino Selvatico, Autoportrait, 1922. Huile sur toile. 60 x 60 cm. © Photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Venise, juin 2016. Exposition Lino Selvatico.Una seconda Belle Époque. Venise, Ca' Pesaro - Galleria Internazionale d'Arte Moderna
Vues de l'exposition Lino Selvatico. Una seconda Belle Époque. Venise, Ca'Pesaro - Galleria Internazionale d'Arte Moderna © Photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, juin 2016. Exposition Lino Selvatico. Una seconda Belle Époque. Venise, Ca' Pesaro - Galleria Internazionale d'Arte Moderna