Confrontation magistrale des regards croisés Raphaël, le Parmesan et Baroche. Raffaello, Parmigianino, Barocci. Metafore delle sguardo. Rome
Exposition Raphaël, Parmigianino, Baroche. Métaphore du regard, Musei Capitolini -Palazzo Caffarelli © Le Curieux des arts Antoine Prodhomme, 2015. Remerciements Ufficio stampa Zètema Progetto Cultura
"À Rome, de nombreuses personnes disaient publiquement que l'esprit de Raphaël était passé dans le corps de Francesco [...] parce qu'il portait tant d'amour à Raphaël et disait tant de bien de lui, qu'il ne tarissait pas d'éloges sur lui." écrivait Giorgio Vasari dans Les Vies des plus illustres architectes, peintres et sculpteurs italiens, de Cimabue à nos temps (1550) au sujet de Francesco Mazzola dit il Parmigianino (petit Parmesan car natif de Parme, connu en France sous le nom de Le Parmesan). Giovanni Pietro Bellori dans Les Vies des peintres, sculpteurs et architectes modernes (1672) écrivait de Federico Barocci que " si l'on ne s'arrêtait pour regarder Federico, louant le travail et la diligence, l'interrogeant sur sa patrie et sa condition, il répondait qu'il était seulement natif d'Urbino [ville natale de Raphaël].
Quelles peuvent donc être les relations du Parmesan (1503 - 1540) et Baroche (1533/1535 - 1612) avec Raffaello Sanzio (1483 - 1520) ? L'exposition romaine des Musei Capitolini : Raphaël, le Parmesan, Baroche. Métaphore du regard s'attache, en 75 dessins, estampes et tableaux des trois maîtres, à des regards croisés entre eux, proposition de Marzia Faietti, directrice du Cabinet des dessins et des estampes du musée florentin des Offices, institution qui a largement prêté de nombreuses œuvres sur papier ; que de belles feuilles. S'il y a comme une transmission de l'esprit de Raphaël, disparu précocement, vers Parmigianino - décédé 20 ans après l'Urbinate - les liens entre Baroche né 50 ans après Raphaël et ce dernier trouvent leurs racines dans la même ville natale : Urbino.
Raphaël ! Comme le rappelle dans l'introduction du catalogue Marzia Faietti, lorsqu'elle fut pressentie pour organiser une exposition aux Capitolini, l'idée première était une exposition dédiée à Raphaël. Puis vint l'idée "de le confronter avec les yeux de deux de ses collègues, l'un plus jeune d'une génération, l'autre actif dans la seconde partie du XVIème siècle, ce siècle qui avait vu dans ses vingt premières années la pleine affirmation de Sanzio" dans un développement du paragone unissant l'Urbinate à ses suiveurs. "La naissance de la légende relative à l'hérédité spirituelle de Raphaël transmise à Parmigianino (la transmission de son âme vers le jeune émilien) se manifesta vers 1550 comme, à partir des années quatre-vingt pour le XVIème siècle, se précisa le lien entre Raphaël et Baroche, plus fréquemment fondé sur la même ville d'origine".
Raffaello Sanzio (Urbino, 1483 - Rome, 1520), Étude composée pour la "Déposition" (Rome, Galleria Borghese), vers 1507. Crayon et encre, quadrillage au crayon et à la pierre rouge, traces de pierre noire. 288 x 298 mm.. Florence, Cabinet des Dessins et des Estampes des Offices, inv. 538 E. Remerciements Ufficio stampa Zètema Progetto Cultura
Honneur donc à Raphaël qui nous accueille avec son Autoportrait venu des Offices, traits doux et totalement en intériorité, la représentation du peintre parfaitement idéalisé auquel Vasari attribuait toutes les qualités. Cette image de Raphaël est bien éloignée de celles beaucoup plus véridiques des deux autoportraits du Parmesan (crayon et encre) et de la représentation si naturaliste du tempérament de Baroche. La présentation de la grande feuille de Raphaël : Etude pour la "Déposition", toile de la galerie Borghèse à Rome (vers 1507), analyse l'importance de l'Urbinate dans le parcours artistique de ses suiveurs. Si la pierre rouge de la Pieta de Parmigianino reprend le corps mort du Christ, la pierre noire du Baroche Homme mort et études de morceaux du corps analyse certains fragments de la toile terminée. Comme sont perceptibles des détails des burins de Marcantino Raimondi, graveur très proche de l'Urbinate, avec la Déposition de la croix du Baroche ou la position de Madone avec l'Enfant pour les deux pierre rouge de Parmigianino.
Federico Barocci (Urbino, 1533/1535 - 1612), Repos pendant la fuite en Égypte (dit aussi Madone aux cerises), 1570-1573. Huile sur toile, 133 x 110 cm.. Cité du Vatican, Pinacothèque des Musei Vaticani, inv. 40377. © Le Curieux des arts Antoine Prodhomme, 2015. Remerciements Ufficio stampa Zètema Progetto Cultura
Cette première partie se termine par le merveilleux Repos durant la fuite en Egypte (ou Madone aux cerises), toile du Baroche (1570-1573), illuminant de ses couleurs le fond de la salle aux murs tendus de rouge - la présentation des expositions vues à Rome, Florence ou Venise se caractérise toujours par un goût très simple, montrer les œuvres avant tout et ne pas faire appel à des metteurs en scène d'opéra trop présents en France -, comme pour nous capter encore plus, signifier que si le visage de la Vierge est dans le classicisme de Raphaël, les somptueuses couleurs, le drapé des vêtements, la composition très ordonnée, révèlent la "belle manière" de peindre.
Francesco Mazzola dit le Parmesan (Parme, 1503 - Casalmagiorre, 1540), Deux études de la même tête d'un jeune homme de profil (du Laocoon). Pinceau, encre, charbon. 119 x 143 mm. Florence, Cabinet des Dessins et des Estampes des Offices, inv. 743 E. Exposition Raffaello, Parmigianino, Barocci. Metafore delle sguardo, Musei Capitolini, Rome. Remerciements Ufficio stampa Zètema Progetto Cultura
Le mouvement et le placement des corps dans l'espace des six dessins de Parmigianino parmi lesquels se détachent Deux études de la même tête d'un jeune homme de profil, un des fils de Laocoon tentant désespérément d'échapper au serpent, études de cette statue découverte à Rome et qui frappa tant les artistes, ne pâtit nullement devant la pierre noire de David tuant Goliath de Raphaël. Placés à côté, deux dessins de Mazzola Étude pour la décoration du presbytère de Santa Maria della Steccata à Parme (vers 1531-1533) et le relevé par Baroche du Tempietto di San Pietro in Montorio, édifié par Bramante à Rome, traduisent la parfaite maîtrise de l'architecture.
Federico Barocci (Urbino, 1533/1535 - 1612), Tête de jeune femme regardant vers le bas, vers 1575. Charbon, pierre rouge. 138 x 130 mm.. Florence, Cabinet des Dessins et des Estampes des Offices, inv. 11475 F. Remerciements Ufficio stampa Zètema Progetto Cultura
Une section minuscule - seulement six dessins mais la quintessence ! - est consacrée aux paysages, sans aucun Raphaël d'ailleurs ! Des œuvres sur le motif, impulsives, toutes en nervosité et rapidité, une observation rigoureuse et précise, sans aucun artifice ni mise en espace. Des détails superbement notés, le naturalisme, la découverte de la nature et non une ré-inventation savamment ordonnée en atelier. Selon moi, une des parties les plus intéressantes de cette exposition, un véritable délice, "la bellezza" dans toute sa pureté, à quelques mètres de trois autres coups de cœur pour les dessins du Baroche, des têtes de jeunes filles des années 1575. La quintessence de l'autre Urbinate, à la technique si reconnaissable de figurer les têtes, dans une légère inclination et cette rêverie impalpable que l'on retrouvera dans la dernière œuvre clôturant cette exposition, dans la section consacrée à la fenêtre comme métaphore de la vision, l'huile d'une Annonciation, dont il faut relever le côté assez sombre du fond.
Gilles Kraemer & Antoine Prodhomme (déplacement à titre personnel)
Vues de l'exposition Raphaël, Parmigianino, Baroche. Métaphore du regard, Musei Capitolini -Palazzo Caffarelli © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2015. Remerciements Ufficio stampa Zètema Progetto Cultura
Raffaello, Parmigianino, Barocci. Metafore delle sguardo
2 octobre 2015 - 10 janvier 2016
Musei Capitolini - Palazzo Caffarelli - Rome
Commissariat de Marzia Faietti, directrice du Gabinetto disegni e stampe degli Uffizi, Florence.
Catalogue lu en italien (achat personnel). Un vrai plaisir de la lecture. Textes de Marzia Faietti, Michele Grasso, Laura Da Rin Bettina, Roberta Aliventi, Ilaria Rossi & Raimondo Sassi. Notices très complètes de chaque œuvre. Bibliographie établie par Isabella Stancari. 352 pages. Éditions Palombi editori. 39 euros.
Pour poursuivre l'exposition romaine, Parmigianino, 1503-1540. Les dessins du Louvre ou 66 dessins de la collection des arts graphiques du Louvre d'un génie du maniérisme.
17 décembre 2015 - 15 février 2016.
Musée du Louvre, salles Mollien, aile Denon.
Commissariat de Dominique Cordelier, Laura Angelucci & Roberta Serra.
Catalogue. Dominique Cordellier, Parmigianino dans l’œil du miroir; Laura Angelucci, Le style de Parmigianino : une culture à l’œuvre; Roberta Serra, Un alchimiste du dessin : regard sur les techniques graphiques; Laurence Lhinares, Provenance des dessins de Parmigianino au Louvre. 192 pages. http://www.louvre.fr/expositions/parmigianino-1503-1540dessins-du-louvre
Quinze institutions du Vatican, d'Italie, des Pays-Bas, d'Angleterre, d'Allemagne et d'Autriche participent à l'exposition de Rome mais aucune française. Dommage. Et ceci est parfaitement compréhensible pour le Louvre qui s'est réservé pour son exposition Parmigianino.
L'huile sur papier collée sur toile de Le Baroche Sainte Marie-Madeleine en buste (1582) ex-collection Jacques Petithory, aujourd'hui au musée Bonnat-Helleu de Bayonne, aurait pu y avoir sa place mais, elle fut prêtée récemment pour l'exposition Baroche au Saint Louis art museum en octobre 2012 puis à The National Gallery en février 2013. Nous aurons l'occasion de parler prochainement de cette institution du pays basque fermée depuis le 11 avril 2011 pour des travaux. http://webmuseo.com/ws/musee-bonnat-helleu/app/report/index.html