Vladimir Velickovic, l'inhumain n'a pas de tête
Vladimir Velickovic, Crucifixion, 1997, huile sur toile © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse de l'exposition Vladimir Velickovick, musée de l'Hospice Saint-Roch, Issoudun, septembre 2015
" Mon pays n'existe plus, je suis un yougo-nostalgique " murmure de sa voix sourde Vladimir Velickovic, natif de Belgrade, en évoquant " pris dans la tourmente de cohabiter avec la violence de mon pays ", cette guerre civile de 1991 à 1999 dans l'ex-Yougoslavie. Le parti pris fut celui d'une rétrospective, en un parcours chronologique, depuis Visage étrange (1959) jusqu'à Grünewald (2011), des oeuvres marquantes, une vision du monde de l'horreur et de la guerre " souligne le commissaire Patrice Moreau, en présentant les œuvres de cet artiste vivant en France depuis 1965, exposées à l'occasion de ses 80 ans, au musée de l'Hospice Saint-Roch d'Issoudun.
Vues de l'exposition Vladimir Velickovic © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse de l'exposition Vladimir Velickovick, musée de l'Hospice Saint-Roch, Issoudun.
Aux toiles provenant exclusivement de l'atelier de l'artiste, en un cheminement souhaité par celui-ci, s'ajoutent des dessins de pitbulls, rats, corbeaux, corps démembrés ou crucifiés et, partie la plus secrète de son atelier puisque exposé pour la première fois : un carnet de dessins qu'il surnomme "bicomania" car au stylo Bic, " un peu comme les gammes d'un pianiste puisqu'il s'agit de dessins hors atelier ". Et, quelques têtes en fonte de fer de la série Vésuve (2009) présentées face à l'immense toile de 60 têtes Sans nom (2001), représentation atypique chez cet artiste qui figure des hommes éclatés, bondissant, rebondissant, chutant, tendus, pendus, accrochés, torturés, crucifiés, se caractérisant par l'absence de tête, comme s'il s'agissait de l'évocation d'un ensemble d'individus, sans un visage particulier. Avec cette préférence du corps d'homme " pour sa musculature et la présence du squelette importante au niveau graphique ". À Issoudun, aucune représentation féminine n'est exposée, bien qu'il ait représenté des parturientes accouchant de... rats.
Vues de l'exposition Vladimir Velickovic © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse de l'exposition Vladimir Velickovick, musée de l'Hospice Saint-Roch, Issoudun.
Accueil tout en puissance et en force avec le lévrier en pleine course de Chien, variation sur le thème d'un autoportrait (1974), le maelström de chiens aboyant, crânes, rats et corps d'Éléments (1973) ou l'homme en boule entouré de rats de Poursuite (1977), trois toiles de gris et de noir, avec quelques éléments de couleurs, dans un placement dans l'espace balisé par des flèches et numéros et l'influence plastiques des photographies d'Eadweard Muybridge. Période avec des corps en évolution, dans un mouvement correspondant à la vie " car l'on commence en se lançant et ceci se termine par une chute ". Influence du Christ mort de Mantegna pour Homme (1976) souligne t'-il - mais dans une position similaire au Christ allongé de Philippe de Champaigne ou d'Hans Holbein le Jeune - toile exposée au centre Georges Pompidou en 1977 dans l'hommage au peintre de la Révolution française Topino-Lebrun. Dialogue avec Francis Bacon ou le Torse du Belvédère pour Exit (1988), un homme nu, vu de dos, passant une porte, entre deux murs rouges, s'engouffrant ou happé dans le noir de l'abîme.
Vues de l'exposition Vladimir Velickovic © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse de l'exposition Vladimir Velickovick, musée de l'Hospice Saint-Roch, Issoudun.
Et, surtout Matthias Grünewald, s'étant " permis d'affronter le Christ du retable d'Issenheim. La main avec la douleur du crucifié est d'une agressivité absolue ". Œuvre si forte dont les prémices surviennent dans Crucifixion (1997), tel un triptyque, entouré de Blessure et Feu et dans lequel l'on voit apparaître le corbeau, oiseau de cruauté dévoreur de la chair du fils de Dieu et de tous les crucifiés, emplissant de son immensité presque toute la toile. Pourquoi une telle démesure ? " J'essaye de communiquer à travers une échelle réelle. Comme un écran géant proposant un espace ". Jusqu'à faire disparaître toute trace de l'homme dans Corbeaux (2001) et Feu (2005), immenses toiles de 5 mètres de long dans lesquelles le paysage prend place, enfin ce qu'il en reste, puisqu'il n'y a rien, qu'une lande déserte, terre brûlée avec le rougeoiement de l'incendie tout au fond. Un marquage de l'espace dans cette lueur, celle du passage de l'homme puisque même absent il reste le souvenir de sa violence.
La beauté dans la fascination de l'horreur.
Gilles Kraemer
Vladimir Velickovic
26 septembre - 30 décembre 2015
Musée de l'Hospice Saint-Roch - 36 100 Issoudun
www.museeissoudun.tv/ & www.museeissoudun.tv/exposition.46.vladimir-velickovic.html
Commissariat de Patrice Moreau, conservateur du musée. Catalogue indispensable. 88 pages. 88 œuvres reproduites. Textes Velickovic et la nouvelle figuration en France d'Evelyne Artaud et Acrobates de la cruauté d'Itzhak Goldberg. Éditions du musée de l'Hospice Saint-Roch. 18 €.
Vladimir Velickovic, Poursuite, 2007, huile sur toile © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse de l'exposition Vladimir Velickovick, musée de l'Hospice Saint-Roch, Issoudun.