Dans l'intimité de la famille d'Orléans. Réponse chez Sotheby's Paris (actualisé avec adjudications)
Louis Carrogis dit Carmontelle, Les gentilshommes du duc d’Orléans dans l’habit de Saint-Cloud. Sanguine, pierre noire, aquarelle et gouache avec rehauts de blanc, 263 x 400 mm (est. 250.000 / 350.000, adjugé 531.000 euros, prix marteau et commission d'achat) © Sotheby’s / Art digital studio
Même si trois pièces appartenant à la famille de France ne sont pas mises en vente puisque classées "Trésor national" et faisant l'objet d'une transaction privée avec des acheteurs privés ou publics résidant en France, l'Etat français disposant de la faculté de faire une offre d'achat au cours des trente mois suivant la décision de classement, elles sont présentées lors de cette vente que Sotheby's propose autour de tableaux, dessins, meubles et souvenirs ayant appartenu à la famille d'Orléans. Le manuscrit des comptes du château d'Amboise, registre de plus de 300 feuillets de peau de vélin, rassemblant les comptes tenus en 1495 et 1496 par les intendants financiers de Charles VIII pour la construction du château d'Amboise. Le portrait de Louis XIII en pied, par Philippe de Champaigne, vers 1639.
Élisabeth Louise Vigée Le Brun, Portrait de la duchesse d'Orléans, née Marie-Adélaïde de Bourbon-Penthièvre, 1789. Huile sur panneau, 110 x 84 cm.. Présentation de la collection du Comte et Comtesse de Paris. Une collection pour l’histoire. Sotheby's Paris © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 23 septembre 2015
Et, merveille des merveilles, un pur moment de grâce, arrivant au moment où débute au Grand Palais l'exposition consacrée à Élisabeth Louise Vigée Le Brun, le portrait qu'elle fit de la duchesse d'Orléans, Marie-Adélaïde de Bourbon-Penthièvre, 1789.
Nicolas-Bernard Lépicié, Louis-Philippe, duc de Valois, au berceau, 1774. Huile sur panneau 54,5 x 41 cm (est. 150.000 / 200.000 €, adjudication 231.000 prix marteau et commission d'achat) © Sotheby’s / Art digital studio
Place maintenant à des œuvres, ayant retenu mon attention. En peinture, coup de cœur pour Louis-Philippe, duc de Valois, au berceau par Nicolas-Bernard Lépicié, 1774. Un moment d'intimité, saisi sans doute au Palais-Royal. Le futur Philippe-Egalité qui en perdra la tête en 1793, regarde son fils, le futur roi des Français. Ce tableau est étonnamment moderne, très en avance par son sujet. Que voit-on ? Un père regardant son fils, temps de bonheur au sein d'une famille princière. Un chat en colère, comme souhaitant protéger le nouveau-né, Scipion, le jeune domestique noir de la duchesse. Estimation entre 150 000 et 200 000 € à laquelle il faudrait adjoindre celle de 2 500 / 3 500 € pour le dessin à la pierre noire avec rehauts de sanguine et craie blanche de Lépicié, étude de la tête de l'enfant Louis-Philippe. Espérons que ces deux oeuvres rejoindront les mêmes mains et ne seront pas dissociées. Si le tableau rejoint le château de Versailles pour 231.000 euros, record mondial pour l'artiste, le dessin a été préempté fort judicieusement pour 6.250 euros, pour le château d'Eu. Dommage qu'ils soient séparés !
Louis Carrogis dit Carmontelle, La Société du Palais Royal, vers 1773-1775. Sanguine, pierre noire, aquarelle, gouache avec rehauts de blanc, 322 x 427 mm (est. 220.000 – 320.000 €). © Sotheby’s / Art digital studio
Tout un pan de l'Ancien régime, de la société du Palais-Royal demeure des Orléans édifiée face au Louvre des Bourbon, se dévoile dans la sanguine et gouache, elle aussi intime, même très intime de Carmontelle, vers 1773-1775, puisque l'artiste nous évoque la quotidienneté d'une famille et de leurs familiers. Le duc d'Orléans et son épouse morganatique, son fils le duc d'Orléans, alors duc de Chartres, en compagnie de son épouse Marie-Adélaïde et de sa maîtresse. Un instant saisi dans les jardins du Palais-Royal, bien éloigné des portraits officiels. Estimation pour cette oeuvre qui resta dans la collection de l'artiste jusqu'à sa dispersion après décès : 220 000 / 320 000 €. Pas vendu et ceci est bien dommage, Carmontelle ne s'est jamais senti aussi proche de son sujet dans cette captation si intimiste ! Autre instant étonnant, celui des Gentilshommes du duc d'Orléans dans l'habit de Saint-Cloud, capté encore par Carmontelle, perturbant par cette composition de six hommes vus de dos, dans l'alignement de leur livrée rouge et bas noir, regardant les jardins de Saint-Cloud, dans une liberté totale puisque le marquis de Perigny tient par la taille le chevalier de Saint-Mars et le baron de Tourempré joue avec un chien. Cette spontanéité, cette modernité de la composition s'estiment entre 250 000 / 350 000 €. Et sera adjugé 531.000 euros, record mondial pour l'artiste, bel achat pour un colllectionneur privé européen.
Louis Carrogis dit Carmontelle, Monsieur de Mornay, gouverneur de Saint Cloud. Sanguine, pierre noire, aquarelle et gouache avec rehauts de blanc, 271 x 190 mm (est. 80.000 / 120.000 €, adjugé 141.000 euros, prix marteau et commission d'achat © Sotheby’s / Art digital studio
Relâchement dans l'abandon de la sieste journalière, lorsque Carmontelle, encore lui, dessine monsieur de Mornay, gouverneur de Saint-Cloud, les pieds posés sur le montant de la cheminée. Pour cette oeuvre, si forte et si proche de son sujet, l'estimation annoncée est de 80 000 / 120 000 €. Elle reviendra à un collectionneur privé européen pour 141.000 euros. Les autres Carmontelle furent adjugés entre 12 500 euros pour Le chevalier de Durfort et 99 000 euros pour La marquise de Pons. Par contre, pour Mesdames de Blot, d'Egmont et de Brionne, cette insertion dans l'intimité de trois femmes lisant, est une très belle acquisition à 50 000 euros. Heureux acheteur !
Parions que nous retrouverons un ou plusieurs dessins de ce bel ensemble de neuf Carmontelle présentés ici, dans quelques mois, au salon du dessin de la Bourse, au printemps 2016. Pour 21 250 euros, le Portrait d'homme, dessin à la pierre noire et à la sanguine, tout en vigueur et en finesse dans son excécution, attribué à Carmontelle, me semble un bel achat.
Abrégé des finances du roy de l'année 1682 (Versailles ? 1682). Manuscrit petit in-12 (122 x 80 mm), 67 pages calligraphiées et ornementées sur peau de vélin. Reliure en maroquin bleu outremer de Chambolle-Duru (est. 20 000 / 30 000 €, adjudication 25 000 euros) © Sotheby’s / Art digital studio
Deux livres désirables dans le domaine de la bibliophilie. Abrégé des finances du Roy de l'année 1682, manuscrit calligraphié et enluminé à l'or et encres de couleurs sur peau de vélin du budget de la monarchie. Une petite merveille qui aurait pu être destinée à Louis XIV d'autant plus que pour complaire au grand roi le bilan des finances est équilibré. Le rêve actuel de tout ministre du Budget ! Prix d'estimation plus que raisonnable pour un tel chef d'œuvre de la calligraphie, un bijou : 20 000/30 000 €. Dommage que l'on ne sache qui le calligraphia. Espérons que le château de Versailles fera jouer son droit de préemption. Très bel et intéressant achat pour 25 000 euros. Dommage qu'il n'est pas été préempté !
Ordre de Saint-Michel [Statuts de l'ordre de Saint-Michel] après 1483, avant 1496. Manuscrit petit in-4 (230 x 165 mm), 49 feuillets de peau de vélin. Reliure maroquin rouge du début du XIXe sècle. Trois miniatures de Louis XI portant le collier de l'Ordre et une miniature de Saint-Michel terrassant le dragon. Exemplaire de Charles d'Orléans, comte d'Angoulême (1459-1496), chevalier de l'Ordre, à ses armes peintes (est. 50 000 / 80 000 €) © Sotheby’s / Art digital studio
Autre ouvrage, digne d'intérêt, et qui aurait pu figurer dans une des expositions consacrées cette année à François 1er ; je pense à celle consacrée à Louise de Savoie, mère de François Ier qui débutera le 14 octobre au musée national de Renaissance, château d’Écouen où ce manuscrit sur peau de vélin des Statuts de l'ordre de Saint-Michel, avec trois miniatures de Louis XI et une représentant Saint Michel terrassant le dragon aurait eu sa place. Cet ouvrage ne fut-il pas rédigé et enluminé entre 1483 et 1496 pour Charles d'Orléans, le père du futur vainqueur de Marignan. Estimation 50 000/ 80 000 € et adjudication à 171.000 euros, prix marteau et commission d'achat. Une préemption de la Nationale ou de l'Institut de France (au profit de Chantilly), deux institutions très riches en ouvrages provenant de la bibliothèque de François 1er, serait opportune. Dommage, ce ne fut pas le cas !
Table d’enfant à la Tronchin en placage de ronce de thuya et monture de bronze doré d’époque Louis XVI, vers 1780, par David Roentgen. Très probablement livré pour les enfants de Louis-Philippe-Joseph d’Orléans (1747-1793), alors duc de Chartres. Haut. 47,5 cm, larg. 67,5 cm, prof. 45 cm (est. 150.000 / 250.000 €, adjugé à 285.000 euros prix marteau et commission d'achat) © Sotheby’s / Art digital studio
Dans le domaine du mobilier, trois objets. Une paire d'encoignures en plaquage de bois de rose et d'amarante, bronze doré, vers 1770, estampille de J.F. Leleu. Un canapé à châssis en bois, vers 1780, estampille de Georges Jacob. Et une table d'enfant à la Trochin, du nom de l'architecte, estampille de David Roentgen, table dont le plateau se soulève, permettant de travailler ou de dessiner debout. Estimation 150 / 250 000 € pour ce véritable bijou d'un grand ébéniste. Et sera adjugée 285.000 euros. Bravo à son acquéreur, un marchand européen. Verra-t-on cette table sur le marché parisien, à la TEFAF ou vraisemblablement sous la verrière du Grand Palais en septembre 2016 ?
Présentation de la collection du Comte et Comtesse de Paris. Une collection pour l’histoire. Sotheby's Paris © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 23 septembre 2015
Souvenirs de la maison de France, ses 232 lots, conservées par la Fondation Saint Louis au château d'Amboise, furent restituées aux héritiers du Comte Henri (1908-1999) et de son épouse Isabelle d'Orléans-Brégance (1911-2003) par décision du tribunal de Grande Instance de Paris du 29 septembre 2013. La vente se tient à quelques mètres du palais de l'Élysée et de la rue de Miromesnil, contrastes dont la France républicaine est friande.
Mais pourquoi vendre un portfolio Dessins de Carmontelle ayant conservé les dessins de ce dernier (150 / 250 €, adjudication à 438 euros), des fleurs séchées, certes datant de 1837 (800 / 1200 €, adjudication à 2 750 euros) ou l'assiette à dessert du service de Louis-Philippe au château de Saint-Cloud (100 / 150 € avec adjudication à 3 125 euros) ? L'estimation la moins élevée : un ensemble de boutons de manchettes malachite, émail et or, entre 30 à 50 €. Un morceau d'histoire pour 50 euros, mais il fera bien plus sous le coup de l'irréfragable passion. Parti pour 938 euros.
6,2 millions d'euros, soit 94 % des lots vendus et 92 % en valeur et 85 % des lots vendus au-dessus de leur estimation haute.
Un bémol. Pourquoi cette présentation avec ces grandes banderoles d'un bleu royal aux fleurs de lys dorées à l'extrême ? La galerie Charpentier nous avait habitué à la sobriété de ses expositions !
Gilles Kraemer
Collection du Comte et Comtesse de Paris. Une collection pour l’histoire. Tableaux anciens, dessins, meubles et souvenirs historiques appartenant à la famille de France
Sotheby's Paris
Vente les 29 & 30 septembre 2015
Exposition jusqu’au lundi 28 septembre de 10h à 18h
Fermé dimanche 27 septembre
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Philipp Herzog von Württemberg lors de la vente de la collection du Comte et Comtesse de Paris. Une collection pour l’histoire. Sotheby's Paris, septembre 2015 © Sotheby’s / Art digital studio. Remerciements service de presse Sotheby's Paris.