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Publié par Gilles Kraemer

Le tourbillon des arts autour de la planète des sciences et des techniques. Eppur' si muove au Mudam, Luxembourg

Conrad Shawcross (né en 1977), Trophy, 2012. Sculpture en bois, bras robotique, lampe halogène, acier, aluminium, verre. Exposition Eppur' si muove. Art et technique, un espace partagé, Mudam, Luxembourg © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse, juillet 2015

Recherche d'un dialogue entre des objets techniques et scientifiques conservés au Musée des arts et métiers et des œuvres d'art contemporain, en un projet collaboratif entre l'institution parisienne et le Mudam de Luxembourg, l'expérience allait-elle réussir ? " Être à la fois Einstein et Picasso comme l'était Leonardo da Vinci, est-ce possible actuellement où la forme des savoirs est si importante ? ", souligne, non sans humour, Clément Minighetti, l'un des commissaires de cette ambitieuse exposition réunissant " 70 objets magnifiques et dans une perfection de la réalisation " venus des Arts et métiers pour un dialogue avec 140 numéros d'art contemporain. Un contre deux ! La parité n'est pas au rendez-vous... .

Eppur' si muove. L'a-t-il prononcée cette phrase, Galileo Galilei à l'issue de son procès, dans sa réfutation de l'héliocentrisme. Elle est donnée en exergue du titre de cette exposition vaste, très vaste, avec quelques passages difficiles dans sa démonstration, dans l'intégralité des trois espaces de cette institution construite sur les plans de Ieo Ming Pei - plus belle intérieurement qu'extérieurement - pour nous en livrer, la lecture d'un dictionnaire en trois tomes : La Mesure du monde, La Matière dévoilée et Les Inventions appliquées avec quatorze sections.

" Le titre poétique de l'exposition marque la rupture d'un monde avec un monde plus rationnel, dans l'idée de changement de paradigme. Dans cette idée de dialogue avec les Arts et métiers dont la vocation et la spécificité est d'être non seulement un musée et un conservatoire mais également un lieu de la diffusion et la formation du savoir, comment construire un discours à partir de ces objets qui sont de démonstration, de pédagogie et de compréhension ? Comment montrer la multiplicité des différents rapports des artistes contemporains avec l'histoire des techniques et des sciences ? ". Ces passerelles, l'exposition les présentent, avec des objets venus d'un musée de 220 ans, exposés dans une institution luxembourgeoise qui fêtera son dixième anniversaire en 2016, pour un dialogue unique avec l'art contemporain. " En évitant l'écueil du Cabinet de curiosités, du Kunstkammer ". 

Le tourbillon des arts autour de la planète des sciences et des techniques. Eppur' si muove au Mudam, Luxembourg

Pierre Ernest Peuchot, Phénomènes d'interférence, 1882. Série de huit toiles, cadre en bois, 62 x 62 cm chacune. Exposition Eppur' si muove. Art et technique, un espace partagé, Mudam, Luxembourg © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse, juillet 2015

" C'est une grande chance pour nous, tel que le soulignent Marie-Sophie Corcy responsable des collections du Conservatoire national des arts et métiers et Enrico Lunghi, directeur général du Mudam, de présenter les peintures de Pierre Ernest Peuchot, sa série de huit toiles Phénomènes d'interférences (1882) démontrant le caractère vibratoire de la lumière des expériences d'Augustin Fresnel et de Thomas Young qui étaient très difficiles de réaliser. Très grande chance, cette série n'a jamais été présentée dans son intégralité depuis l'aménagement de la galerie de physique en 1882.". Le choix d'une de ces peintures comme visuel de l'exposition ne pouvait qu'en paraître plus évident par la présentation de ce phénomène technique physique, démontrant que la figuration de la science peut être de l'art. Comment ne songerait-on pas à Signac, à Giacomo Balla, au pointillisme, au divisionnisme... ?

Vues de l'exposition Eppur' si muove. Art et technique, un espace partagé, Mudam, Luxembourg © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse, juillet 2015
Vues de l'exposition Eppur' si muove. Art et technique, un espace partagé, Mudam, Luxembourg © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse, juillet 2015
Vues de l'exposition Eppur' si muove. Art et technique, un espace partagé, Mudam, Luxembourg © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse, juillet 2015
Vues de l'exposition Eppur' si muove. Art et technique, un espace partagé, Mudam, Luxembourg © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse, juillet 2015
Vues de l'exposition Eppur' si muove. Art et technique, un espace partagé, Mudam, Luxembourg © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse, juillet 2015
Vues de l'exposition Eppur' si muove. Art et technique, un espace partagé, Mudam, Luxembourg © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse, juillet 2015
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Vues de l'exposition Eppur' si muove. Art et technique, un espace partagé, Mudam, Luxembourg © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse, juillet 2015
Vues de l'exposition Eppur' si muove. Art et technique, un espace partagé, Mudam, Luxembourg © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse, juillet 2015
Vues de l'exposition Eppur' si muove. Art et technique, un espace partagé, Mudam, Luxembourg © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse, juillet 2015

Vues de l'exposition Eppur' si muove. Art et technique, un espace partagé, Mudam, Luxembourg © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse, juillet 2015

Art et technique, en route vers cette " constellation de différentes questions sans être une démonstration. ". Invitation à l'expérience, dès le départ, dans le Grand Hall, cœur du bâtiment, sous la verrière de 33 mètres de haut, avec la Sphère du Pendule de Foucault (1851), démonstration de la rotation de la Terre sur elle-même. Eppur' si muove. Le titre est posé visuellement, l'exposition peut débuter dans l'arpentement de l'espace avec Antigravity Model (2005) de Grönlund-Nisunen, immense objet à manipuler pour le lancer et nous entraîner poétiquement dans le tournoiement terrestre et les projets de Piotr Kowalski imaginés pour La Défense en 1974, maison de lumière devant abriter un pendule de Foucault et qui ne vit jamais le jour. Le tourbillon, phénomène météorologique, tel qu'étudié avec les pièces d'expériences conçues en 1887 par Charles Louis Weyher, se retrouve dans Kathy (2008) de Bertrand Lamarche qui souhaite " mettre le monde en maquette pour le comprendre dans cette modélisation de la capture d'une tornade. Ce phénomène est aussi un déplacement du monde, et d'un phénomène à l'intérieur du musée qui existe parallèlement au monde, dont je montre le processus et son image de restitution cinématographique.". 

Une des pièces les plus fascinantes est celle, magique et apparemment très simple, d'Attila Csörgö sur des corps platoniciens avec la transformation d'un dodécaèdre en un cube, une pyramide triangulaire et une double pyramide triangulaire, fonctionnant dans les deux sens. Ce théâtre édifiant de marionnettes géométriques, introduisant la section des Formes déployées et celle de la géométrie, me renvoie au polyèdre de Melencolia de Dürer.

Arpenter le monde, dans la question de l'espace et du temps, s'articule naturellement autour de la référence du mètre étalon. Conrad Shawcross reporte le mètre sur la planète Saturne : The Celestial Meters (2009), dans une remise en cause de notre propre échelle que retranscrit la vidéo de John Wood & Paul Harisson Ome More Kilometre (2009) avec une perception différente de toutes ses feuilles qui s'envolent alors que mises bout à bout, elles atteignent un kilomètre. Le temps revêt quelque chose de subjectif dans les installations de Francisco Tropa : Lantern (2011) et Lantern (clock) (2014) sur l'écoulement, la régularité mais aussi l'impossibilité de connaître le temps de son existence. Le temps social, lui, Julien Berthier (né en 1975) l'a capturé dans L'Horloge d'une vie de travail (2008) capable de décompter en direct le temps de travail professionnel de 40 annuités.

 

Vues de l'exposition Eppur' si muove. Art et technique, un espace partagé, Mudam, Luxembourg © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse, juillet 2015Vues de l'exposition Eppur' si muove. Art et technique, un espace partagé, Mudam, Luxembourg © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse, juillet 2015Vues de l'exposition Eppur' si muove. Art et technique, un espace partagé, Mudam, Luxembourg © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse, juillet 2015
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Vues de l'exposition Eppur' si muove. Art et technique, un espace partagé, Mudam, Luxembourg © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse, juillet 2015

Le chapitre de La Matière dévoilée, de l'infiniment petit et infiniment grand, s'ouvre sur le projet de Trevor Paglen (né en 1974) avec Prototype for a Nonfunctional Satellite (2013),  ovni visuel qui ne sera jamais envoyé dans l'espace. Le jeu d'optique est introduit par Identité n°2 (1973) de Pierre Kowalski, jeu de trois cubes de tailles différentes dans des miroirs, en dialogue avec les Figures géométriques stéréoscopiques (vers 1850) de Louis Jules Duboscq.

La manifestation de l'invisible consacrée aux phénomènes électromagnétiques, au magnétisme, au phénomène ondulatoire, s'observe dans le phénomène de la foudre qui a fondu des monnaies ou une vitre traversée par l'étincelle d'une machine électrostatique. Cette appréhension de la nature électrique, on en observe les manifestations puis on les maîtrise. Dove Allouche et Évariste Richer avec La Terrella (2002) re-inventent une machine capable de reproduire le phénomène magnétique de l'aurore boréale, machine inventée par le norvégien Kristian Birkeland

 

Vues de l'exposition Eppur' si muove. Art et technique, un espace partagé, Mudam, Luxembourg © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse, juillet 2015
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Vues de l'exposition Eppur' si muove. Art et technique, un espace partagé, Mudam, Luxembourg © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse, juillet 2015

La production en question, liée aux objets industriels substituant la machine à la main avec une Collection d'outils de tourneur (1855) ou une Machine à plisser et à gaufrer les rubans des fleurs industrielles (1832), se confronte à l'immense installation d'un établi de travail La Cacahuète (2011) de Michael Beutler (né en 1976). Dans la fascination pour les corps animés, que l'on trouve cinématographiquement dans les années 1930 avec Metropolis, la vidéo Wilhelm Noack oHG (2006) de Simon Starling (né en 1967) avec un escalier hélicoïdale dessiné par Carlo Mollino projette le lieu de fabrication de cet escalier apparaissant comme une sculpture cinétique dans des effets de miroir. Damián Ortega (né en 1967) travaille sur le principe des éclatés et de dé-constructions de trois Vespa, Miracolo Italiano (2005), largement associées à l'imaginaire de l'Italie de la Dolce vita. L'objet éclaté participe ainsi à la construction de la transmission et de la pédagogie des savoirs, illustré par le Châssis d'automobile de De Dion Bouton (1907). et se retrouvant chez Éric van Hove (né en 1975) avec Alternateur de Mercedes et sa Boîte de transmission, dans la reproduction d'un moteur d'une Mercedes-Benz. La fascination du vivant s'intéresse à la robotique. La Machine à fumer (1884) d'Henri Parety étudiant le temps de combustibilité des feuilles de tabac entre en dialogue avec l'ouvrage de Jacques de Vaucanson sur Le Mécanisme du fluteur automate faisant la promotion de ses automates dont le canard qui reproduisait toutes les fonctions de la digestion. Automate aujourd'hui disparue, se rapprochant du Cloaca Travel Kit de Wim Delvoye (2009) reproduisant le système digestif, de l'ingurgitation jusqu'à la défécation. Cette automatisation, Stelarc (né en 1946) la poursuit avec Third Hand, Tokyo, Yokoyama, Nagoya (1980) lorsqu'il s'attache une troisième main artificielle à son bras

La dernière œuvre de l'exposition est celle d'un voyage en mythologie avec Trophy (2012) de Conrad Shawcross, réinterprétation pas perceptible du tableau du Titien La Mort d'Actéon (1559-1575) avec un bras articulé automatisé inspectant et effleurant d'une baguette lumineuse une sculpture représentant les bois d'un cerf. Si l'on ne connaît pas le tableau du peintre vénitien, ni l'histoire de ce chasseur transformé en cerf et dévoré par ses chiens pour avoir surpris Diane nue à son bain, cette pièce très technique évoquera-t-elle quelque chose, sans quelques explications et une représentation de cette toile sur le cartel ?  .

Gilles Kraemer

 

Eppur' si muove. Art et technique, un espace partagé

9 juillet 2015 - 17 janvier 2016

Mudam Luxembourg

Luxembourg

www.mudam.lu

info@mudam.lu

Commissariat. Marie-Noëlle Farcy, Christophe Gallois, Enrico Lunghi, Clément Minighetti pour le Mudam Luxembourg ; Marie-Sophie Corcy pour le Musée des arts et métiers - Cnam  //  Commissariat associé Vincent Crapon pour le Mudam ; Lionel Dufaux, Cyrille Foasso pour le Musée des arts et métiers  //  Contribution d'Isabelle Astic & Anne-Laure Carré pour le Musée des arts et métiers

Colloque. Fabrique des sciences - Fabrique des arts. La question de la recherche dans les domaines scientifiques, techniques et artistiques, 15-17 octobre 2015

Concerts. Pierre Bastien, Silent motors le 18 octobre 2015 ; Gauthier Keyaerts, Fragments #43-44 le 25 novembre 2011 ; Omproduck, Rêveries magnétiques le 13 décembre 2015

S'il existe un catalogue, nous ne pourrons l'évoquer, ne l'ayant que feuilleté au musée.

Toutes les citations entre parenthèses sont extraites d'un entretien avec Clément Minighetti, départements artistique et technique du Mudam -Musée d'art moderne Grand-duc Jean

 

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