Dans les rémanences de Lisa Oppenheim
Lisa Oppenheim, Landscape Portraits (Some North American Trees), 2014. Cinq photographies noir et blanc (gélatine argent). 98 x 64,5 cm chaque.
Exposition Lisa Oppenheim Langue héréditaire, FRAC Champagne-Ardenne, Reims © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse, 25 juin 2015
Première exposition personnelle en France de Lisa Oppenheim (née en 1975 à New York) à l'occasion de la réouverture du FRAC Champagne-Ardenne après des travaux de deux années. Pour cette exposition, programmée avant la fermeture de cette institution rémoise, cette artiste américaine dont la pratique se positionne dans le courant de la photographie conceptuelle, des artistes de la Pictures generation et du cinéma structuraliste, montre parmi les sept œuvres présentées sur les deux plateaux du FRAC, deux pièces produites spécifiquement par ce fonds régional d'art contemporain : une vidéo Hereditary Language (le sous-titre de l'exposition) et une série de photographies Lunagrams (after Ann Craven). " Cette série de photographies, comme le souligne Florence Derieux [directrice du FRAC depuis 2008] est intéressante pour le FRAC, l'artiste ayant choisi de s'intéresser à l'histoire de l'institution et de sa programmation en se penchant sur la résidence de création rémoise .en 2007 d'Ann Craven, autre artiste américaine, originaire de New York ; celle-ci bénéficia d'une exposition personnelle, en 2008, en ce même lieu. ".
Vues de l'exposition Lisa Oppenheim Langue héréditaire, FRAC Champagne-Ardenne, Reims © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse, 25 juin 2015
Lisa Oppenheim s'approprie un existant qu'elle travaille et re-transforme, dans une exploration de l'image photographique qu'elle soit historique, politique, engagée, présente ou documentaire. Elle interroge le mexicain Manuel Alvarez Bravo dans La Quema (2014), ré-interprétant son tirage de 1955 d'une fumée industrielle, pour se concentrer uniquement sur les volutes de cette fumée, intercalant entre ses huit photographies cinq carreaux de céramique faits d'argiles du Mexique. Matière, matérialité, impalpable se côtoient. Pour Landscape Portraits (Some North American Trees) (2014), le contact est plus physique, plus palpable, plus réaliste, même surréaliste puisque l'image présentée nous renvoie largement aux frottages des lattes des planchers et des empreintes qu'en tira Max Ernst en .... 1925 et qu'elle re-visite en se servant de deux plaques de bois utilisées en tant que négatifs et imprimées sur du papier photographique. Cette série de cinq photographies, en un accrochage très serré et dynamique, lui concédant une force prégnante, se perçoit tel un déplacement d'une empreinte vers (sur) l'autre, dans un développé glissant du noir vers les gris puis vers les blancs pour retrouver le noir. La boucle est bouclée avec ce noir nous renvoyant à l'encre utilisée pour l'encrage des xylographies, car ces photographies semblent d'étonnants tirages de gravures dans ces coupes d'arbres américains qu'elle ré-interprète comme un portrait. Tout s'enchaîne pour nous conduire vers une autre histoire d'arbres, avec la vidéo Hereditary Language, celle d'un bosquet de vieux pins à cônes lumineux dans les White Montains californiennes, dont certains ont plus de 5 000 ans. Belle histoire que celle de savoir que le plus ancien de ces pins, dénommé Mathusalem, est plus âgé que la grande pyramide du plateau de Gizeh.
Quittant la Terre, elle interroge et se confronte à l'astre de la Nuit, dans la très poétique série de 45 photographies Lunagrams (After Ann Craven) (2015) de dimensions égales (40 x 40 cm) à celles des 45 toiles peintes par Ann Craven à Reims, en 2007, représentant la lune. Il ne s'agit pas d'une photographie purement frontale et entière de ces peintures mais d'un re-découpage très léger de celles-ci, Lisa Oppenheim y incluant une partie du mur de l'atelier. Rejetant l'exposition du papier photographique à la lumière d'un agrandisseur dans la chambre noire, elle a osé la confrontation du papier sensible à la lumière de la lune. Résultat : des évanescences aux reflets argentés que la lune, terre de poésie a offertes à Lisa Oppenheim.
Gilles Kraemer
Lisa Oppenheim devant Lunagrams (After Ann Craven), 2015.
Exposition Lisa Oppenheim Langue héréditaire, FRAC Champagne-Ardenne, Reims © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse, 25 juin 2015
Lisa Oppenheim. Langue héréditaire
26 juin-20 septembre 2015
FRAC Champagne-Ardenne
1, place Museux - 51100 Reims
du mercredi au dimanche, 14h à 18h
entrée libre
tél. : 03 26 05 78 32
internet : www.frac-champagneardenne.org