Tiziano Vecellio dit Le Titien (Pieve di Cadore 1483/1485 ou 1488/1490-1576 Venise), Esquisse du saint Sébastien pour le rétable de Santi Nazaro e Celso de Brescia, vers 1519-1520. Plume et encre brune, lavis brun, quelques rehauts de blanc de plomb, sur papier gris-bleu, 182 x 115 mm © Städel Museum, Frankfurt am Main
Connue des amateurs de la ''belle feuille'' la Fondation Custodia, collection Frits Lugt, installée dans l'ancien hôtel Turgot, est un endroit magique. Jusqu'à sa dernière exposition consacrée aux dessins et aux peintures de la Fondation néerlandaise P & N de Boer, sa politique était de privilégier les dessins des écoles du Nord.
Changement d'orientation souhaité par Ger Luijten, dynamique directeur de la Custodia : ouvrir l'institution à d'autres écoles depuis que cette fondation a repris l'hôtel de Levis-Mirepoix qu'elle louait à l'Institut néerlandais. « La Custodia n'est nullement un sanctuaire, souligne-t-il, sa mission est de présenter des œuvres sur papier, pour le plus grand plaisir de l'amateur. ». Place aux dessins des écoles italiennes, cette magnifique fondation devenant l'ambassadrice du Städel Museum de Francfort, accueillant un choix de 87 dessins de la Renaissance italienne du département d'art graphique de cette institution outre-Rhin. D'une plume et encre noire du cercle d'Antonio Pisanello Quatre saints, en pied (vers 1430 (?)) à une plume et encre grise avec de larges ajouts de lavis brun de Palma il Giovane (vers 1479-1580) La Résistance des Vénitiens durant le siège du roi Pépin, le choix ne peut qu'être difficile.
Honneur aux nominés de l'affiche : trois Raphaël, un double-face en sanguine de Michel-Ange et un Titien, une plume et encre brune toute en nervosité pour l'Esquisse du saint Sébastien pour le retable de Santi Nazaro e Celso à Brescia. La reproduction photographique de ce retable, placée à côté, permet de percevoir la grande qualité de cette esquisse et son état presque similaire à la peinture (1520-1522).
Francesco Primaticcio (Bologne 1504-1570 Paris), La Ronde des Horae (les Heures du Jour), vers 1547-1548. Sanguine, lavis blanc et rouge, rehauts de blanc de plomb, sur des lignes circulaires et ovales (tracées au compas), lignes auxiliaires à la sanguine, sur papier (un ajout aux contours irréguliers collés au centre), 358 x 335 mm. Feuille montée sur carton bleu, avec un liseré d'encadrement doré, ancienne collection Pierre-Jean Mariette © Le Curieux des arts, Antoine Prodhomme, présentation presse
Retenons le dessin qui nous accueille : La Ronde des heures du Primatice (vers 1547-1548), dans son montage du XVIIIe siècle, grande feuille préparatoire pour la fresque du plafond de la Galerie d'Ulysse du château de Fontainebleau aujourd'hui disparue. À coté la feuille d'un maître anonyme : Étude du mauvais larron, pour une Crucifixion, Venise (?), vers 1450 (?), dessin à la pointe de métal qui ne souffre d'aucun repentir puisqu'une fois le trait tracé, il est impossible de revenir sur son trait qui attaque le papier préparé comme la pointe sèche incise le cuivre. Très beau Andrea del Sarto avec Études de deux bras et d'un pied, vers 1520 (?), tout en puissance pour une représentation très aboutie à la sanguine qu'il faudrait mettre en opposition avec une étonnante et dérangeante sanguine : Études de jambes, de genoux et de bras, vers 1520 (?), attribuée au peintre maniériste florentin Rosso Fiorentino, figurant des membres à la peau desséchée, étude d'une grande modernité présentée juste à côté d'un autre maniériste florentin, Jacopo Carruci, dit Pontormo. Ces deux peintres eurent l'honneur d'une belle exposition au printemps 2014 au palazzo Strozzi à Florence (lecurieuxdesarts.fr/2014/06/pontormo-e-rosso-fiorentino-divergenti-vie-della-maniera-pontormo-et-rosso).
Jacopo Carrucci, dit Pontormo (Pontormo 1494-1557 Florence), Étude de deux hommes nus se regardant dans un miroir, vers 1520. Pierre noire (?) et craie blanche sur papier bleu, 422 x 272 mm © Städel Museum, Frankfurt am Main
L'on ne peut qu'être frappé par Deux hommes nus se regardant dans un miroir, aux corps musculeux se frôlant, les cheveux en bataille, l'un tout à la contemplation de son reflet paraissant se dire ou dire à son ami : suis-je encore beau ? Pourquoi pas une Vanité du temps ? Cette très grande pierre noire (?), d'une belle rigueur, est l'affiche d'appel de l'exposition. Autre pièce d'un florentin mais au nom peu connu et contemporain des deux précédents : Bartolomeo Brandini, dit Baccio Bandinelli avec Études de nus masculins et féminins (vers 1520-1530 (?)). Ou celle d'un paysage, plume attribuée à Giovanni Antonio Dosio, Un palais et un alignement de maisons derrière un mur d'enceinte (vers 1560-1570 (?)), l'on ne sait de quelle ville italienne il s'agit. Arrêt devant un Tintoret Étude de la tête du Guliano de Medici de Michel Ange (vers 1545-1560 (?)), ce vénitien ayant fait réaliser, comme sujet d'études, des moulages de cette statue se trouvant à Florence.
Domenico Campagnola (Venise vers 1500-1564 Padoue), Paysage avec saint Jérôme, vers 1520. Plume et encre brune, sur vélin, 175 x 245 mm © Le Curieux des arts, Antoine Prodhomme, présentation presse
Derniers regards pour la contemplation d'un autre vénitien Domenico Campagnola, une plume très poussée et toute en finesse d'un Paysage avec saint Jérôme et un Torse masculin, vu de dos, tout en force, qui lui est attribué.
Gilles Kraemer
Vues de l'exposition Raphaël, Titien, Michel-Ange. Dessins italiens du Städel Museum de Francfort (1430-1600), Fondation Custodia, Paris // Titien // Michel-Ange // Pontormo // Dossio (?) // Tintoret // Campagnola // Pietro di Cristoforo Vannucci, dit Il Perugino (avec une attribution possible à Berto di Giovanni) & Italie centrale, vers 1470-1480 & Francesco di Stefano, dit Pesellino © Le Curieux des arts, Antoine Prodhomme, présentation presse
Raphaël, Titien, Michel-Ange. Dessins italiens du Städel Museum de Francfort (1430-1600)
21 mars-21 juin 2015
121, rue de Lille – 75007 Paris
& Cirque d'encres. L'œuvre sur papier de Gèr Boosten http://www.lecurieuxdesarts.fr/2015/05/au-plus-profond-de-l-ame-l-oeuvre-sur-papier-de-ger-boosten.html
Catalogue Raffael bis Tizian. Italienische Zeichnungen aus dem Städel Museum, sous la direction de Joachim Jacoby, 304 pages, 200 illustrations. Prix 34, 90 euros. Ce catalogue, en langue allemande, remarquable par ses descriptions et la qualité de ses reproductions, est celui de l'exposition de Francfort (8 octobre 2014-11 janvier 2015). Certains dessins figurant dans celui-ci ne sont pas présentés à Paris. Lorsque le dessin est double-face, le recto ou le verso est montré ici, ce qui offre la possibilité de voir le verso d'une feuille de Pietro di Cristoforo Vannucci, dit Il Perugino (avec une attribution possible à Berto di Giovanni) Saint-Martin et le diable et non pas le recto avec Le Baptême du Christ de cette plume et encre brune, sur un tracé au stylet, sur papier.
Livret d'accompagnement de l'exposition, en langue française, remis comme d'habitude gracieusement, descriptif des 87 dessins présentés.
Internet www.fondationcustodia.fr