La fascination du Savoir. Travaux pratiques à Mains d'Œuvres à Saint-Ouen
Les Motifs du Savoir, Mains d'Œuvres, Saint-Ouen © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, février 2015
Lieu pour l'imagination artistique et citoyenne, voici le slogan de Mains d'Œuvres ouvert en janvier 2001, installé dans l’ancien centre social et sportif de l'équipementier automobile Valeo, un bâtiment de 4000 m² près du marché aux Puces de Saint-Ouen, Saint-Ouen-sur-Seine plus exactement puisque cette commune se dénomme ainsi maintenant.
Mains d’Œuvres se veut lieu multiple, ouvert à la musique, à l'art visuel, à la danse, au théâtre et à la création numérique. Et aussi lieu de résidence, plus précisément d'atelier, dont bénéficia Julie Portier, critique d'art, passée de l'autre côté de l'écriture et de la feuille de papier puisque la voici co-commissaire - avec le plasticien Julien Nédélec - de l'exposition Les Motifs du Savoir présentée dans la vaste et lumineuse salle d'exposition de 300 m² de cette institution. Celle-ci réunit 18 artistes autour du Savoir avec un S majuscule. Fascination pour les savoirs, passion pour les images, les objets, le vocabulaire, les techniques qui rendent les sciences transmissibles ou applicables. Cette fascination pourrait s’accomplir dans un restitution naïve, mais l’émotion du Savoir devient le motif de formes qui ne se réfèrent plus au Savoir mais se l'approprient pour une transformation abstraite ou ludique. L’œuvre d’art se présente comme un moyen de contournement des vérités pour une soumission à de nouvelles justifications logiques, dans une démarche scientifique qui n'est pas celle d'un spécialiste. En s’appliquant cette rigueur, l'œuvre devient à son tour un objet de transmission de savoirs.
Vues de l'exposition Les Motifs du Savoir, Mains d'Œuvres, Saint-Ouen © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, février 2015
Travaux pratiques et démonstrations en 15 expériences disposées dans une subtile résonance et un bel accrochage dans la même salle. En ouverture, la vidéo Opa-Locka will be beauriful (2011) d'Arman Morin présentant cette ville étasunienne, construite dans une architecture orientaliste hollywoodienne en 1926 confrontée à la violence sociale. Peut-on expliquer pourquoi une théière laisse toujours une auréole sur la nappe ? Jochen Dehn y apporte sa réponse mais, en regardant son installation The Teapot Effect constituée de tuyaux, je ne la devine pas. Celle-ci vous sera proposée, sur les lieux mêmes, dimanche 8 mars 2015 à 19 heures lorsque l'artiste effectuera une performance. Dans une même démarche de croire ce que je vois sans me poser de questions, je veux bien accepter la proposition d'Évariste Richer lorsqu'il est écrit, sur la plaquette proposée à chaque visiteur, que la grande bobine est entourée de 8843 mètres de fil de cuivre, Everest (2006), soit la hauteur du plus haut sommet himalayen du monde ou que Pierre-Laurent Cassière avec FMR (2012) m'incite à entendre le bruit de la poussière déposée à la surface d'un disque tournant sur une platine. Reconnaître qu'un signal sonore, d'origine inconnue, transformé en une suite alphanumérique 6EQUJ5 peut être ressenti en un dégradé de couleurs Adèle et Lucie (2012) chez Vincent Carlier s'appréhende comme l'est la reconstitution des rebonds du son au contact de murs transcrite en 17 dessins chez Damien Marchal La Connaissance par l'obstacle (2013).
Angela Detanico (née en 1974) & Rafael Lain (né en 1973), Sous le soleil (Zulu time), 2007. Installation. Plexiglas découpé, 25 parties,. 70 x 20 cm chaque. Encre sur papier, 88 x 70 cm. Exposition Les Motifs du Savoir, Mains d'Œuvres © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, février 2015
Le découpage du monde en faisceaux horaires, d'une façon géométrique, par Angela Detanico & Rafael Lain dans leur forte installation de 25 plaques de plexiglas Sous le soleil présente une belle confrontation avec les cinq plaques de verre gravé Contre-jour (2010-2012) de Bettina Samson accrochées à côté. Autre œuvre prégnante, l'impression pigmentaire si saisissante de réalisme de Mike Muckerheide (2013) ou verre dichroïque vu comme une pierre minéralogique par Mélissa Dubbin et Aaron S. Davidson. Un dernier regard vers les trois céramiques émaillées exposées au milieu de la salle par Bevis Martin et Charlie Voule, les figures de Pythagore, Archimède et Einstein (2013). Et, si vous souhaitez vous « creusez les méninges », essayez de déchiffrer Le Code des voleurs (2008) de Chloé Dugit-Gros, des formes noires « malevitchiennes » mais qui dans la réalité sont une façon cachée de correspondre.
Bettina Samson (née en 1978), Contre-jour, 2010-2012. Cinq tableaux-reliefs, verre fusionné et gravé par sablage, 102,5 x 63 cm chaque. Exposition Les Motifs du Savoir, Mains d'Œuvres © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, février 2015
Mains d'Œuvre, un lieu de création, de diffusion et d'expérimentation pour les artistes ? Pas seulement dans son soutien actif par des expositions mais aussi en finançant des œuvres comme celles de Cyril Verde Educated Guess inspirées de la coiffe des diplômés des universités anglo-américaines et celle de Jochen Dehn The Teapot effect, des productions de Mains d'Œuvres conçues spécialement pour Les Motifs du Savoir.
Un lieu à découvrir et à suivre, où le vivre l'art et sa défense se ressent pleinement.
Gilles Kraemer
Mains d'Œuvres, Saint-Ouen © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, février 2015
Les Motifs du Savoir
du 12 février au 22 mars 2015 (exposition ouverte du jeudi au dimanche, de 14h à 19h)
Mains d’Œuvres
1 rue Charles Garnier - 93400 Saint-Ouen sur Seine
Internet : www.mainsdoeuvres.org
Cette exposition est soutenue par le Conseil général de Seine-Saint-Denis et le Conseil régional d'Île-de-France. Mains d'Œuvres est une association loi 1901.
Pour vous y rendre, rien de plus facile. Métro ligne 13 jusqu'à la station Garibaldi puis 10 minutes de marche ou Bus n°85, arrêt Paul Bert puis 5 minutes de marche. Si vous y êtes vers midi, vous pouvez déjeuner dans le restaurant de ce lieu sympathique pour un prix plus que correct.
À venir : vidéo palace #4, projection de vidéos, mercredi 22 avril 2015.