Gustave Courbet / Fondation Beyeler, Bâle
Gustave Courbet. Le Fou de peur (Portrait de l'artiste), vers 1844/1845. Huile sur papier sur toile 60,5 x 50,5 cm. Nasjonalmuseet for Kunst, Arkiyrktur og Design, Oslo
Tel un coup de poing dès la première salle. Face à nous, en entrant, Le Fou de peur (Portrait de l'artiste) (1844-1845), perturbant autoportrait de jeunesse de Gustave Courbet (1819-1877) venu d'Oslo. Percutante façon de nous accueillir en nous le « jetant à la face ». Va-t-il bondir hors de sa toile dans un mouvement de violence ou dans un déséquilibre, prémisse d'une chute, se jeter dans l'abîme. Dommage que Le Désespéré (1843-1845), qui fit l'affiche de la rétrospective parisienne de Paris au Grand Palais en 2007, ne l'ai pas accompagné, portrait affirmant la liberté de l'artiste dans une réminiscence des Figures d'expression de Charles Le Brun (reproduit dans le catalogue).
Gustave Courbet, La Vague, vers 1869. Huile sur toile 65,4 x 88,7 cm. Brooklyn Museum, donation de Mrs Horace Havemeyer
L'on est bien éloigné du Courbet au chien noir (1842), de l'artiste avec son épagneul nous regardant de haut, d'un air de satisfaction, pensant que seul son chien le comprend ou de La Rencontre (Bonjour Monsieur Courbet) (1854), affirmant sa fierté d'être avec son mécène montpellérien Alfred Bruyas, étonnant tableau dans lequel seule l'ombre de l'artiste est représentée. Ce mécène lui commandera Le Bord de mer à Palavas, la silhouette de l'artiste y brise l'horizontalité de la Méditerranée. Dernière toile par laquelle se clôt cette exposition, une mer bien calme et apaisée comme pouvait l'être l'artiste à ce moment, toile choisie en affiche. Tout en opposition à La Trombe (1866) plaquée sur la couverture du catalogue, cette masse nuageuse tombant sur des voiliers, cette fulgurance de gris et de bleu ardoise. L'on y ressent la pluie et l'humidité, la palpabilité de l'atmosphère, la nature souveraine comme dans Vagues aux deux voiliers ou La Vague dont Paul Cézanne disait, en regardant les toiles de Courbet, qu'il recevait la mer en pleine poitrine et que toute la salle sentait l'embrun.
Le goût de la provocation et du scandale, d'être révolutionnaire dans l'art et dans la vie, d'être un pionnier de l'art moderne dans cette volonté de briser toutes les conventions est souligné par Ulf Küster, le commissaire de cette exposition, « avec un questionnement et une volonté de choquer » qui ont toujours accompagné Courbet. Réponse en 57 numéros de toutes les périodes de l'artiste, enfin presque, La Grotte (de la Loue?) (1874), est la seule toile de son exil suisse montrée ici. Le musée Rath de Genève présentant actuellement une exposition spécifique à ses dernières années : la période suisse, les deux institutions, bâloise et genevoise, se sont entendues – fait notable à souligner - dans le choix des œuvres à emprunter.
Gustave Courbet, La Source du Lison, 1864. Huile sur toile 91 x 73 cm. Collection privée. Photographie Paul Mutino
Sur des murs blancs, dans des salles ouvertes sur les jardins de la Fondation - regardez le pin aux branches domptées tel celui d'un jardin humide japonais - le sage accrochage thématique a été retenu, de paysage du Jura au Puits-Noir, des Baigneuses aux effets de neige pour se terminer au bord de mer. La salle de L'Origine du monde devient le « sanctuaire » dans lequel trône cette toile mythique, secrète, impudique, brisant le tabou de la représentation frontale et rapprochée d'un sexe, tableau qualifiée par Ulf Küster de « véritable « chef d'œuvre inconnu » du XIXe siècle et jusqu'à nos jours, la source d'inspiration de nombreux artistes ». L'entourant, des œuvres dans la connotation du mont de Vénus et de l'allusion érotique avec Le Réveil et La Femme nue et les lieux de son pays natal avec les sources de la Loue ou du Lison et de La Grotte (de La Loue ?), trois toiles avec leur centre foncé, si symbolique, attirant le regard. « Ces trous noirs, les insondables vides au centre des tableaux de Courbet, ont beaucoup à voir avec sa technique picturale qui était sans doute empreinte de l'idée que le noir est le point de départ de tout art » rappelle Ulf Küster.
Dans la même salle : Bouquet d'asters dédicacé à l'auteur de Les Fleurs du mal ; belle provenance n'est-il pas dans cette rétrospective présentant de magnifiques tableaux ! Si vous avez la chance d'être dans la salle des Braconniers dans la neige, et de Change, épisode de chasse au chevreuil en Franche-Comté au moment où les diagonales et les verticales des ombres du soleil jouent sur le mur et le sol, ces toiles deviennent magiques dans cette correspondance (voulue par l'accrochage ?) entre les blanc, bleu, marron et noir et la lumière de l'extérieure. Gilles Kraemer
Exposition Gustave Courbet, fondation Beyeler, Riehen © photographie Le curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse
Exposition Gustave Courbet, fondation Beyeler, Riehen © photographies Le curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse
Gustave Courbet
7 septembre 2014 – 18 janvier 2015
Fondation Beyeler
CH 64125 Riehen / Bâle
Catalogue en allemand ou en anglais (tiré à part en langue française). 131 reproductions, 200 pages. Éditions Hathe Cantz. Prix 62, 50 CHF.
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Dans le cadre d'un partenariat entre la Fondation Beyeler et la Calder Foundation -New York-, l'idée d'une Alexander Calder Gallery est née, une série de trois expositions mettant l'accent sur différents aspects de l'oeuvre de ce sculpteur américain. Après les expositions de 20102 et 2013, la Fondation inaugure la 3e, consacrée aux peintures abstraites de Calder, rarement présentées, qui entretiennent un dialogue avec ses sculptures des années 1930 (Fondation Beyeler, du 27 septembre 2014 au 6 septembre 2015).
Bâle est à 2h 30 de Genève, par le train, pour une autre exposition Courbet Gustave Courbet – Les années suisses. Du 5 septembre 2014 au 4 janvier 2015, au Musée Rath - place Neuve 1 - CH - 1204 Genève.
http://www.lecurieuxdesarts.fr/2014/09/gustave-courbet-les-annees-suisses-musee-rath-geneve.html
Alexander Calder, Black Frame, 1934 Cadre noir, bois, tôle et peinture, avec moteur, 94 x 94 x 61 cm. Calder Foundation, New York © Calder Foundation, New York / 2014, ProLitteris, Zurich