Artemisia Gentileschi & Louise Moillon face à Paul-César Helleu .... . Sotheby's Paris 26 juin 2014. Prix explosés et records mondiaux
Artemisia Gentileschi, Marie Madeleine en extase. Huile sur toile, 81 x 105 cm. Estimation : 200 000-300 000 euros © Crédit Photo Art Digital Studio / Sotheby’s France
Ce tableau d'Artemisia Gentileschi, qui se trouvait dans une collection du sud de la France, mis en vente chez Sotheby's Paris, est une belle redécouverte. "Avoir de la chance de voir réapparaître une œuvre de cette envergure est une grande émotion, commente Pierre Etienne directeur du département des tableaux anciens, c'est un véritable choc : du grand, du bel Artemisia ; de la peinture oui, mais aussi du théâtre, presque de l'opéra.".
Œuvre disparue depuis plus d'un siècle, ce tableau d'Artemisia Gentileschi (Rome 1593 – 1654 Naples), Marie Madeleine en extase sera-t-il l'une des pièces les plus désirables (la plus désirable, comment peut-on résister à cette belle ?) de cette importante vente de tableaux et dessins anciens et du XIXe siècle ?
Fille du peintre Orazio, grandissant dans un univers masculin dans lequel la femme trouve difficilement sa place (à Rome, elle ne pouvait être élue membre de l'Académie de Saint Luc), elle saura s'imposer et braver tous les interdits dans un milieu machiste. Ainsi l'épisode du procès, qu'elle intentera pour viol contre le grand artiste : Agostino Tassi et qu'elle gagnera, dénote d'une grande force de caractère. A la suite de cette action en justice, elle épousera le peintre florentin Pietro Antonio di Vicenzo Siattesi et s'installera avec son époux à Florence en 1613.
Datation proposée pour ce tableau : celle de ses années romaines, avant son départ pour Florence, Artémisia se trouvant à la charnière de cette génération d'artistes attentif à la peinture du Caravage, à cette captation de la lumière crue, à ces clairs obscurs puissants. Dans un cadrage très serré, Marie-Madeleine, très probablement un autoportrait de l'artiste, est dans une position d'abandon, la chevelure défaite, les yeux clos, la tête rejetée en arrière. Sa chemise découvre son épaule droite alors que ses mains aux ongles sales enserrent ses genoux, comme en une position de défense. Reflet de l'attitude qu'elle doit maintenant adopter vis-à-vis de l'homme alors que son visage est baigné d'une immense plénitude ?
Estimation ? 200 000 à 300 000 euros. Finalement il rejoindra une collection privée pour 865 500 euros, prix inclus le prix marteau et la commission d'achat. Record mondial pour l'artiste, après une bataille entre sept enchérisseurs.
Louise Moillon, Coupe d’abricots, pêches et prunes sur un entablement. Huile sur panneau 34,5 x 51,5 cm. Estimation : 200 000 – 300 000 euros © Crédit Photo Art Digital Studio / Sotheby’s France
Il y a un an, le 27 juin 2013, Sotheby's Paris adjugeait une huile sur panneau de Louise Moillon : Nature morte aux pêches dans une coupe de porcelaine bleu blanc Ming sur un entablement, 1 033 000 euros, avec commission acheteur, record mondial pour une œuvre de jeunesse de cette artiste qui n'avait que 19 ans. En sera-t-il de même pour cette huile sur panneau : Coupe d'abricots, pêches et prunes sur un entablement que Louise Moillon (Paris 1610-1696) peignit vers 1634, œuvre invitant à la rêverie ?
Combien pour croquer ces fruits posés dans une coupe en porcelaine blanche à godrons ? Entre 200 000 et 300 000 euros. Identique à l'estimation de la toile d'Artemisia. Qui de la Parisienne ou de la Romaine gagnera ? La Romaine a gagné face au 433 500 euros de Louyse Moillon qui rejoint une collection privée européenne.
Paul-César Helleu, Portrait de Madame Helleu à l'ombrelle, vers 1890. Signé en bas à droite Helleu. Huile sur toile 80 x 64 cm. Estimation: 100 000-150 000 euros © Crédit Photo Art Digital Studio / Sotheby’s France
Cap sur la mer, l'évasion, la côte normande ou vraisemblablement Cowes en Angleterre où ce breton d'origine Paul-César Helleu, son épouse Alice, ses filles et son fils avaient l'habitude de se rendre sur leur voilier, en été pour assister aux régates. Ce Portrait de madame Helleu à l'ombrelle par son époux Paul-César (Vannes 1859-1927 Paris) fut peint au tournant de ce siècle par celui qui inspira à Marcel Proust le portrait d'Elstir ; le peintre gravera à la pointe sèche, l'écrivain sur son lit de mort.
Alice est fortement reconnaissable à ses cheveux dont parle le comte Robert de Montesquiou dans Helleu paru en 1913, "la multiforme Alice / dont la rose chevelure / illumine de son reflet / tant de miroirs de cuivre". Elle porte vraisemblablement une robe de Louise Chéruit dont le magasin de haute couture se trouvait place Vendôme. Elle habillait non seulement les femmes mais aussi leurs enfants. Helleu grava, à la pointe sèche, dans les années 1905 une trentaine de portraits de celle-ci et la dessina plusieurs fois. Un de ces dessins, un trois crayons, provenant de la succession de la petite-fille de la couturière, passé en vente le 20 décembre 2013, étude Pierre Bergé, représente Louise Chéruit allongée sur un canapé ottoman. Adjugé 3 000 euros, il était visible dans le commerce parisien, au moment du Salon du dessin 2014, chez Alexis Bordes, pour un prix nettement supérieur.
Ce moment de grâce de ce peintre admirateur de Watteau, qui lança la mode des appartements peints de blanc et aux murs ornés de cadres vides, est estimé entre 100 000 - 150 000 euros. 793 500 euros, record pour Helleu en France et deuxième plus haut prix pour cet artiste. Après une bataille entre trois enchérisseurs, il a été acquis par le commerce anglais. Le retrouverons-nous, dans quelques semaines, à la Biennale des antiquaires au Grand Palais ou à TEFAF 2015 ? Il fit sa réapparition, quelques semaines plus tard, à la Biennale, chez un marchand londonien.
Paulette Howard-Johnston, la fille du peintre, habitant Anglet, légua au musée Bonnat de Bayonne de nombreuses oeuvres de son père : pointes sèches, dessins, céramiques, pastels et tableaux. La famille du peintre a également donné des oeuvres de celui-ci (Portrait de Helleu par Sargent).
Dénommée maintenant musée Bonnat-Helleu, musée des Beaux-Arts de Bayonne, cette institution est fermée depuis 11 avril 2011 pour de longs et obligatoires travaux qui, espèreront le, verront enfin son agrandissement promis depuis trop longtemps ! Dans le catalogue de la donation Petithory exposée au musée du Luxembourg à Paris, en décembre 1997, le maire de Bayonne de l'époque, Jean Grenet, écrivait son engagement à "la réalisation de travaux, pour l'agrandissement du musée, rendus nécessaires par ce nouveau legs. C'est peu dire le prestige qu'une ville peut retirer d'être reconnue digne d'accueillir un tel patrimoine !". 16 années ont passé !
Jean-René Etchegaray (son ancien adjoint, chargé de la culture) lui a succédé, en 2014, en qualité de maire de Bayonne et président de l'agglomération Côte Basque-Adour.
Les œuvres de la collection Léon Bonnat (Goya, Rubens, Ingres, Degas...), les tableaux de la collection Antonin Personnaz, les terres cuites du XVIIIe siècle de la collection Paul Cailleux, la donation Jacques Petithory, voici quelques exemples de ce que possède ce musée. Sans oublier que le cabinet d'art graphique constitué par Léon Bonnat comporte, excusez du peu, Léonard de Vinci, Michel-Ange et Raphaël! Des feuilles des écoles hollandaise (Rembrandt), italienne (Titien, Parmigianino, Bellini...) ou française (Watteau, Greuze...). Et 186 dessins de la collection Petithory.
Une institution fermée depuis trois ans !
Combien de temps devrons-nous encore fréquenter les expositions pour apercevoir les oeuvres de ce musée ? Comme à Londres au printemps 2013 pour Sainte Marie-Madeleine en buste de Federico Barrocci prêtée, pour la rétrospective de cet artiste, à la National Gallery comme elle le fut à l'automne 2012 au Saint Louis Art Museum dans le Missouri, aux États-Unis d'Amérique.
Ou nous rendre actuellement au Louvre-Lens pour L'Oublié!, 1872, d'Émile Betsellère. L'Oublié! un joli titre pour cette huile sur toile à la gloire d'un soldat de la guerre de 1870 mourant seul sur le champ de bataille. D'un peintre bayonnais de surcroit (1846-1880) !
Voici le lien pour le voir. Rien de moins que la page d'accueil du Louvres-Lens : http://www.louvrelens.fr/expositions
La commissaire-priseur Stéphanie Denizet, lors de la vente de « Tableaux et Dessins Anciens et du XIXe siècle » du 26 juin 2014. Artemisia Gentileschi à gauche, Paul-César Helleu à droite. Remerciements au service de presse Sotheby's Paris
Louis Dupré, Le consul Louis Fauvel à son chevalet. L’acropole à l’arrière-plan. Signé en bas à gauche L. Dupré. Huile sur toile 55 x 62 cm, 21. Estimation: 80 000 – 120 000 euros © Crédit Photo Art Digital Studio / Sotheby’s France
Œuvre pour un grand amateur, hors des courants à la mode, œuvre de réflexion et sensible de Louis Dupré, Le consul Louis Fauvel à son chevalet. L'Acropole à l'arrière-plan est une toile dont, Pascale Pavageau, directeur du département tableaux et dessins du XIXe siècle me fait remarquer "tout le charme et la façon de traiter ce sujet d'une manière néo-classique".
Cette huile évoque tout l'intérêt pour la Grèce et l'Orient, courant très fort dès le XVIIIe et se poursuivant au XIXe. Louis Dupré (Versailles 1789-1837 Paris) séjournant en Grèce de février à avril 1819, cette toile évoque tout l'intérêt qu'il portait à la découverte des monuments antiques et au passé. Peinte lors de son séjour en Grèce ou après son retour en France, elle évoque un moment de l'histoire de ce pays et de notre consul de France, Louis Fauvel. Durant 42 années, il fut le représentant de notre pays à Athènes. Le moulage d'une métope Lathipe et Centaure combattant évoque la lutte entre France et Angleterre pour l'acquisition d'antiques au début du XIXe siècle ; cette métope découverte par Fauvel et destinée à la France se retrouvera en Angleterre comme prise de guerre. Elle est aujourd'hui au British Museum.
Combien, pour cette rare huile, mon coup de coeur pour cette vente comprenant 146 numéros ? Car ce sujet, souligne Pascale Pavageau, peut intéresser un amateur grec, français ou..... britannique. Un tableau européen donc !
80 000 - 120 000 euros. Et, pour 289 500 euros, record mondial pour cet artiste, il quitte l'Europe et rejoint une collection privée aux Etats-Unis d'Amérique.
Attribué à Laurent De La Hyre, Saint Michel terrassant le dragon, 1645. Huile sur toile 101 x 85,5cm.Estimation : 60 000 – 80 000 euros © Crédit Photo Art Digital Studio / Sotheby’s France
Attribuée à Laurent de La Hyre (Paris 1605 - 1656), cette huile sur toile, oeuvre totalement inédite, figure Saint Michel terrassant le dragon qui porte, entre ses ailes, la date de 1645.
Elle sera, peut-être, pour vous, pour 60 000 - 80 000 euros. Ou plus pour cette toile de belle facture. Adjugé 73 500 euros.
Tableaux anciens et du XIXe siècle
Sotheby's Paris
76, rue du Faubourg Saint-Honoré – 75008 Paris
Exposition du samedi 21 juin au mercredi 25 juin sauf dimanche
Vente jeudi 26 juin 2014
Internet : sothebys.com
Détails des tableaux décrits © Photographies Antoine Prodhomme, exposition 21 juin 2014, Sotheby's Paris