59e Salon de Montrouge. Les futurs de demain ?
Créé en 1955, surnommé parfois « le marché des galeristes », que j'ai croisé nombreux, puisque beaucoup de ceux-ci y trouveront le ou les artistes qu'ils soutiendront, le 59e Salon de Montrouge réunit 72 artistes dans le beau bâtiment surnommé Le beffroi, édifié par Henri Decaux dans les années 1930. Après une pré-sélection parmi les 3 100 dossiers de candidatures reçus et examinés par le commissaire artistique Stéphane Corréard (également directeur du département art contemporain de l’étude Cornette de Saint Cyr, Pierre Cornette de Saint Cyr étant lui-même membre du jury du Salon de Montrouge), ce dernier soumet sa liste à un Collège critique de professionnels de l'art, qui a retenu 72 artistes, « la jeune création contemporaine » comme le souligne le maire de Montrouge dans l'éditorial du catalogue. Enfin... presque... 1946 et 1959 pour les plus anciens... .
59e Salon de Montrouge, 2014 © Photographies Antoine Prodhomme
Faisons abstraction de la mise en espace de Matali Crasset, ces modules ouverts dans tous les sens brouillant la vision que nous pouvons avoir sur chacune des propositions des artistes. Difficile de se concentrer. Un seul artiste joue de cette difficulté et s'approprie parfaitement son espace : Eskrokar, dont ce pseudonyme claque comme escroc comme il me l'explique, j'aime bien. Ses Do not cross apposés sur un miroir nous remémorent les polars, scènes de crime, investigations policières étasuniennes et aussi le miroir traversé par le poète du Palais Royal. Son ne pas ouvrir / c'est un piège, ouvrant sur un étroit couloir, nous renvoie notre image. Attention en refermant la porte, surprise auditive.
Eskrokar, Do not cross & ne pas ouvrir / c'est un piège, 2014. 59e Salon de Montrouge, 2014 © Photographies Gilles Kraemer
Les prix ? Le grand prix à l'heureuse Tatiana Wolska (qui bénéficie actuellement d'une exposition au Palais de Tokyo dans le cadre des Modules - Fondation Pierre Bergé - Yves Saint Laurent du 25 avril au 23 juin 2014), le prix spécial du jury à Louise Pressager et Qingmei Yao désignées ex-aequo, le prix du Conseil général des Hauts-de-Seine à Virginie Gouband. Ces quatre lauréates 2014, remportent chacune une somme de mille euros et bénéficient d’une exposition au Palais de Tokyo, dans le cadre des Modules - Fondation Pierre Bergé – Yves Saint-Laurent, programmée à l’automne. J'apprécie beaucoup cette égalité entre les quatre finalistes. Ceci devrait inspirer d'autres prix.
Mes choix ? Quingmei Yao (née en 1982 à Yueqing en République populaire de Chine) et sa percutante vidéo Le procès. La seule des quatre primées dont la proposition est compréhensible de suite, par tous, sans avoir besoin de lire le cartel ou d'essayer, parfois, de le comprendre. Le procès, non pas celui d'un membre du Parti, non pas celui d'un cacique que l'on a décidé d'emprisonner pour donner un exemple, enfin, apparemment, car les propos nous remémorent la période de la Révolution culturelle prolétarienne, mais le procès à charge d'un distributeur d'une boisson qui fut considérée comme un symbole du capitalisme et de l'hégémonie américaine, une boisson marron avec des bulles. Yao invective la machine qui borborygme sa réponse « les gens se contentent d'être exploités et d'avoir un métier », discussion se clôturant par un définitif et sans appel « je déclare le distributeur coupable ». La machine est condamnée, aucun recours ne sera possible. Quingmei Yao affiche la sanction : EN PANNE. Comme la pancarte que l'on suspendait au cou du supposé coupable pendant les séances de dénonciation et d'autocritique. Dura lex.
Qingmei Yao, Le Procès, 2013, vidéo 9mm, 3 sec.. 59e Salon de Montrouge, 2014 © Photographies Antoine Prodhomme
Par ordre alphabétique. Guillaume Collignon, le photographe-ar(t)penteur de Petra et de la Haupstrasse. Françoise Vannernaud et son arachnéenne frise en papier découpé Living on the border sur les migrants, qu'un souffle d'air suffirait à détruire. Tout une image sur cette population démunie. Aymeric Vergnon d'Alançon racontant l'histoire d'une association de photographes amateurs : le Surgün photo club, né dans un foyer de travailleurs à Épinay, dont il reconstitue la mémoire par un entretien et la consultation de fiches y adjoignant une vidéo de différents films de westerns dans lesquels seule la nature est présente.
Je laisserai le dernier mot aux ludiques slogans et propositions picturales de Dominique Cozette : « la peinture est un acte gratuit ».
Un peu de fantaisie dans ce salon.
Guillaume Collignon, Petra IV, 2013, photographie & Haupstrasse n°2, 2013, photographie. 59e Salon de Montrouge, 2014 © Photographie Antoine Prodhomme
Françoise Vanneraud, Living on the border, 2013, installation, dimensions variables. 59e Salon de Montrouge, 2014 © Photographies Antoine Prodhomme
Aymeric Vergnon-d'Alançon, Surgün photo & Locus formol & Nulle part ici terre promise, 2013. 59e Salon de Montrouge, 2014 © Photographies Gilles Kraemer
Je laisserai le dernier mot aux ludiques slogans et propositions picturales de Dominique Cozette : « la peinture est un acte gratuit ». Enfin en peu de fantaisie dans ce salon.
Dominique Cozette, La peinture est un acte gratuit. 59e Salon de Montrouge, 2014 © Photographies Gilles Kraemer
Julien Salaud est l'invité d'honneur, lui qui remporta en 2010 le prix du Conseil général des Hauts-de-Seine et qui participa en mars 2012 à la réouverture du Palais de Tokyo avec Grotte stellaire. Deux nouvelles créations : Nuit étoilée (Mont à la chevrette) une tente-igloo abritant une chevrette & Printemps (Cerfaure), spectaculaire cerf-centaure aux sabots dorés tenant une trompe de chasse et non une harpe portative comme il le prévoyait à l'origine. Belles œuvres, si fragiles, retenant l'attention de tous les visiteurs de ce salon.
Julien Salaud, Nuit étoilée (Mont à la chevrette), 2014. Chevrette empaillée, clous, fil de coton, bois, branches de noisetier, perles de coraille, peaux de chevreuils, colles. Dimensions variables & Printemps (Cerfaure). Cerf empaillé, moulage humain à la bande plâtrée, branches de noisetier, perles de rocaille, fil de coton, colle, feuilles de cuivre, socle en résine et peaux de chevreuils. Ces deux œuvres sont produites par la ville de Montrouge dans le cadre du 59e salon. Remerciements galerie Suzanne Tarasièeve. 59e Salon de Montrouge, 2014 © Photographies Gilles Kraemer. Remerciement indirect à A-F F.
59ème Salon de Montrouge
30 avril – 28 mai 2014
de 12h à 19h, entrée gratuite
2, place Emile Cresp – 92120 Montrouge
Sur le site Internet : www.salondemontrouge.fr visionnez la vidéo consacrée au travail si sensible de Julien Salaud autour de Cerfaure (ou cerf centaure) et écouter l'entretien qu'il a accordé à www.francefineart.com
Catalogue. 212 pages. Bilingue français/anglais. Texte de Ricardo Arcos-Palma Julien Salaud. Animalités et vanités. Seize portraits critiques d'anciens exposants du Salon parus dans Le quotidien de l'art, de Xavier Antin à Jessica Warboys. Présentation des artistes exposés.