Whitney Biennial 2014, New York © Photographies Gilles Kraemer
La biennale 2014 du Whitney Museum of American Art, dernière se tenant dans ce musée new yorkais édifié par Marcel Breuer, avant qu'il emménage dans le nouveau bâtiment édifié par Renzo Piano à Gansevoort Street (entre West Street et the High Line), présente des artistes travaillant aux États-Unis.
Vues les dernières biennales de l'art de Venise - Jennifer Allora & Guillermo Calzadilla avec leur char de combat renversé sur lequel courait un bel athlète et leurs deux sièges de classe affaire (ou de première) en 2011 puis les petits papiers et le fatras de micro-sculptures de Sarah Sze en 2013 -, la démarche de ces artistes américains m'avait paru peu représentative. Que 1964, avec Robert Rauschenberg recevant le Grand Prix de la biennale de l'art de Venise, paraît loin !
Parmi les 103 artistes sélectionnés à la Whitney Biennial 2014, par trois commissaires : Anthony Elms (commissaire associé à the Institute of Contemporary Art, Philadelphia), Stuart Comer (commissaire en chef de Media and Performance Art au MoMA) et Michelle Grabner, allions nous trouver l'artiste pouvant représenter les États-Unis aux Giardini en 2015 ou plus tard ? Je n'ai pas eu beaucoup à chercher, les jeux étaient faits, puisque Joan Jonas, non vue au Whitney, occupera le Pavillon américain, du 9 mai – 22 novembre 2015 à Venise, avec une installation faite de vidéo, dessins, objets et sons. Espérons... .
Whitney Biennial 2014 New York & Portrait de Karl Haendel à la 12e biennale de Lyon, 2013 © Photographies Gilles Kraemer
Trois commissaires, donc trois regards, trois approches, trois interrogations sur des artistes dont les plus âgés sont Etel Adnan (né en 1925) et John Mason (né en 1927) et le plus jeune Sergei Tcherepnin (né en 1981). Qu'allait-il en être pour le cru 2014 ? Notre ressenti fut plus indulgent que pour la Biennale 2012 marquée par des propositions sans cohérence, parfois sans intérêt.
Commençons par le 4e étage, commissariat assuré par Michelle Grabner, artiste et professeur de peinture et de dessin à l'Art Institute de Chicago. Un conseil pour les futurs visiteurs de cette biennale : commencer impérativement par le 4e étage et empruntez l'escalier de béton brut, une belle réalisation architecturale.
Des choix de Michelle Grabner, le commissariat le plus pertinent, qui retenir ?
Karl Haendel (né en 1976 à New York) que nous avions remarqué à la 12e biennale de Lyon 2013. Sur tout un mur, il dispose ses toiles autour de Theme Time avec Colors (version 2), 2013 ; Danger, 2014 ; Fruit, 2013 ; Blood, 2013 ; Weather, 2013 ; Food (peas & carrots) (version 2), 2014 ; Questions (version 2), 2014 et Presidents Day, 2013. Les titres parlent d'eux-mêmes, avec des anciens présidents étasuniens, des fruits, un demi-visage, des cavaliers s'affrontant, des enfants, des tableaux découpés et scandés de larges bandes jaune. C'est plaisant, agréable, narratif. A côté, People in Pain, 1988, de Gretchen Bender (1951-2004) remonté cette année par Philip Vanderhyden (né en 1978), une très longue bande de plastique noir froissé de 14 mètres, sur laquelle des néons affichent des titres de films tels River of death, Fatal beauty, Predator... ; ceci me fait étrangement songer à des concordances avec la démarche d'Angelika Markul exposée actuellement au Palais de Tokyo. Et, encore à côté, comme si après la narration visuelle de Grabner puis écrite de Bender se plaçait logiquement l'histoire selon Ken Lum (né en 1956) avec Midway Shopping Plaza, grande construction faites de 33 enseignes commerciales lumineuses avec, entre autres, le panneau 8669 Midway Avenue référence au 8 6 (juin) (19)69, date de l'entrevue entre Richard Nixon et Nguyen Van Thieu, président du sud-Vietnam ou Phan Thi Kim Phuc Apothecary évoquant la jeune fille Phan Thi Kim Phúc qui survécut à ses brûlures au bombardement au napalm durant le conflit américano-nord-vietnamien, en 1972.
Regard sur The Birmingham Project, beaux portraits très doux et emprunts de réflexion de Dawoud Bey (né en 1953) de parents avec leurs enfants alors que ses photographies renvoient à l'assassinat en 1963, lors de troubles raciaux, de six jeunes noirs américains.
John Mason, le sculpteur de céramique (né en… 1927) m'a fortement impressionné avec son jeu sur les angles, les décrochements, les surfaces brisées de ses pièces en hauteur Vertical Torque, White, 1997, Spear Form, Soft White de 1999, Blue Figure de 2002 et son tableau Tile Wall, 2010, dans un coin, comme mis à l'écart.
Whitney Biennial 2014, New York © Photographies Gilles Kraemer
3e étage, celui de Stuart Comer. Le choix retenu s'amenuise. Plus que deux : Ken Okiishi (né en 1978) avec ses quatre gesture / data, peintures sur écran vidéo et surtout Miljohn Ruperto (né en 1971 à Manille) et sa série photographique Voynich Botanical Studies. Celles-ci pourraient faire penser à l'Herbarium de Joan Fontcuberta vu à la M.E.P. cet hiver 2013 avec ses fausses planches botaniques. Ici, nous sommes dans une ré-interprétation étrange, surnaturelle, angoissante, dérangeante, perturbante de plantes réinventées, mystérieuses, dignes d'être glissées entre les pages de l'herbier d'un Cabinet de curiosités. Vite, vite, qu'on puisse voir cette série en France inspirée du mystérieux manuscrit Voynich conservé à l'université de Yales.
Whitney Biennial 2014, New York © Photographies Gilles Kraemer
Quant à la sélection d'Antony Elms au 2e étage ? Pourquoi pas Terry Adkins (né en 1953) avec Aviarium, cinq objets non identifiés, des grandes vis plantées dans le mur ? Un interrogation comme toutes les interrogations en parcourant cette biennale bien pâle.
Un conseil : allez plutôt au MoMA pour l'exposition Gauguin et la Polynésie.
WHITNEY BIENNIAL 2014
7 mars – 25 mai 2014
Whitney Museum of American Art
945 Madison Avenue et 75th Street
New York - États-Unis
Internet : http://whitney.org/Exhibitions/2014Biennial
Pour Joan Foncuberta, renvoi à francefineart.com
Pour les photographies intrigantes de Miljohn Ruperto : whitney.org/Exhibitions/2014Biennial/MiljohnRuperto
Karl Haendel, Installation view (detail), Theme Time—Colors (version 2), 2013. Pencil and enamel on cut paper, 71 × 52 in. (180.3 × 132.1 cm) framed; Theme Time—Danger, 2014. Pencil on cut paper with shaped frame, 36 × 52 × 2 in. (91.4 × 132.1 × 5.1 cm) framed; Theme Time—Fruit, 2013. Tarpaper, matboard, pencil on cut paper, 45 1/4 × 60 1/4 × 2 in. (114.9 × 153 × 5.1 cm) framed; Theme Time—Blood, 2013. Pencil and enamel on cut paper, 104 × 73 1/2 × 2 in. (264.2 × 186.7 × 5.1 cm) framed; Theme Time—Weather, 2013. Pencil on paper with shaped frame, 45 1/4 × 68 in. (114.9 × 172.7 cm) framed; Theme Time—Food (peas & carrots) [version 2], 2014. Pencil and enamel on paper, 30 × 33.75 in. (76.2 cm x 85.73 cm); Theme Time—Questions [version 2], 2014. Pencil and enamel on cut paper, 30 × 33.75 in. (76.2 cm x 85.73 cm); Theme Time—Presidents Day, 2013. Two drawings: pencil on paper with shaped frames, 69 × 52 in. (175.3 × 132.1 cm) each framed. All works: Collection of the artist; courtesy Susanne Vielmetter Los Angeles Projects
Gretchen Bender, People in Pain, 1988 (detail). Paint on heat-set vinyl and neon, 84 × 560 × 11 in. (213.4 × 1422.4 × 27.9 cm). Remade by Philip Vanderhyden, 2014. The Estate of Gretchen Bender. Photograph by Philip Vanderhyden
Ken Lum, Whitney Biennial 2014, New York © Photographies Gilles Kraemer
Dawoud Bey, Maxine Adams and Amelia Maxwell (from The Birmingham Project), 2012. Two pigmented inkjet prints mounted on dibond, 40 × 64 in. (101.6 × 162.6 cm) overall. Collection of the artist. © Dawoud Bey
John Mason, Whitney Biennial 2014, New York © Photographies Gilles Kraemer
Miljohn Ruperto and Ulrik Heltoft, Voynich Botanical Studies, Specimen 39r Jaro, 2014. Gelatin silver print, 25 1/4 × 21 1/4 in. (64.1 × 54 cm) framed, Collection of the artists and Koenig & Clinton, New York. Courtesy the artists and Koenig & Clinton, New York. Photograph by Ulrik Heltolft.