Les masques et les forêts de Romain Bernini / galerie Suzanne Tarasieve, Paris
Romain Bernini devant Sans titre, 2013, huile sur toile, 200 x 300 cm. Paris, galerie Suzanne Tarasieve, 5 février-15 mars 2014 © Photographie Gilles Kraemer. Remerciements à Suzanne Tarasiève
« L'indétermination du lieu, cette confrontation de l'homme avec une histoire, une force qui lui est étrangère et la réunion de ces principes disparates et même parfois anachroniques en une image peinte sont les bases poétiques de mon travail. ». Ainsi Romain Bernini se présentait-il lors de son séjour en 2010-2011 à la Villa Medici. Pensionnaire, il y occupa l'atelier de Jean-Auguste-Dominique Ingres ! Quel plus mythique endroit, chargé de souvenirs, pour y travailler ! Pour ce peintre se présentant modestement « autodidacte », prix de peinture Antoine Marin en 2008, passé par la Sorbonne, reconnaissant comme maîtres anciens Diego Vélasquez et Édouard Manet, quel beau parcours !
Romain Bernini, série La forêt, 2013, huiles sur toile, 200 x 160 cm, Paris, galerie Suzanne Tarasieve, 5 février-15 mars 2014 © Photographie Gilles Kraemer. Remerciements à Suzanne Tarasiève
Il perpétue la peinture figurative dans une transfiguration du réel si personnelle. Comment ose-t-on être figuratif aujourd'hui ? Lui, il l'ose. Je l'avais rencontré au LOFT 19 de Suzanne Tarasieve, en septembre 2011, alors qu'il y exposait, en dialogue, avec Youcef Korichi.
Après les hauteurs de Belleville, voici la rue Pastourelle. A moi l'espace semble se dire Romain. A lui, cet immense volume dans lequel il a planté ses arbres de la série Forêt dont l'on ne voit que les troncs - nombreux ont chu, sont enchevêtrés, un véritable jeu de Mikado -. Mais, comme elle est étonnamment plantée cette forêt ! Nous accueillant dans la première salle, cette série est suspendue et d'une telle façon que nous sommes obligés de zigzaguer parmi toutes ces toiles, tous ces troncs, comme si nous allions nous perdre dans des profondeurs obscures. Une forêt saccagée, angoissante, inhospitalière, nulle branche ou feuille, aucune trace de vie, dans des couleurs vert, bleu, jaune, des couleurs de bois en putréfaction. Comme dans un après, allusif à la déforestation et aux saccages de notre monde industriel. Même sentiment de mal-être avec ce couple de loups errant dans une forêt brûlée ou défoliée, on ne le sait. Ne reste plus au sommet de la colline qu'une cabane abandonnée.
Romain Bernini, série Cargo cult, Sans titre, 2014, huile sur toile, 220 x 180 cm. Tableau et détail. Paris, galerie Suzanne Tarasieve, 5 février-15 mars 2014 © Photographie Gilles Kraemer. Remerciements à Suzanne Tarasiève
Sa série aux personnes masquées nous conduit vers un monde plus calme : l'un retranché derrière son masque aux yeux étonnés se promène calmement dans une forêt accueillante, un autre est assis dans l'atelier. Celui qui m'a le plus interpellé, par la force tranquille qui se dégage de tout son être, est l'homme aux bras croisés, au masque vraisemblablement indonésien, me faisant souvenir des marionnettes du Ramayana.
Romain invente avec bonheur une esthétique de la solitude quotidienne qui nous submerge délicieusement. Et cela suffit à notre plaisir.
Romain Bernini, Sans titre, 2013, huile sur toile, 200 x 300 cm. Paris, galerie Suzanne Tarasieve, 5 février-15 mars 2014 © Photographie Gilles Kraemer. Remerciements à Suzanne Tarasiève
Romain Bernini. Woods
Suzanne Tarasieve
du 5 février au 15 mars 2014
7, rue Pastourelle – 75003 Paris
téléphone : 01 42 71 76 54
internet : www.suzanne-tarasieve.com
Du 7 mars au 15 juin 2014, Romain Bernini participe au Collège des Bernardins à l'exposition collective Des hommes, des hommes, en compagnie de Nirveda Alleck, Rina Banerjee Matthew Darbyshire et Sylvie Fanchon, Djamel Kokene, Ingrid Luche, Basir Mahmood et Pascale Marthine Tayou, Bruno Perramant, Chloé Quenum et Franck Scurti, Patrick Toscani, Achraf Touloub, Stéphane Vigny, Jacques Villeglé et Chen Zhen.
Internet : www.collegedesbernardins.fr