Venise, Palais ducal. Les cadeaux du Shah Abbas le Grand à la Sérénissime. Relations diplomatiques entre la République de Venise et la Perse Safavide
Gabriele Caliari. Le doge Marino Grimani reçoit les cadeaux des ambassadeurs perses en 1603. Palais Ducal, Salle des quatre portes © photographie courtoisie Fondazione Musei Civici di Venezia, service de presse et des relations extérieures
Des Lettres persanes vénitiennes ? Quand la Sérénissime entretenait des relations diplomatiques avec la Perse et le Shah Abbas le Grand.
Manet. Ritorno a Venezia. Le duel feutré d'exposer deux belles, nues, entre les murs du Palais Ducal, la Venere d'Urbino du Titien des Uffizi de Florence et Olympia de Manet venue de Paris, s'est terminé en août 2013, sans qu'aucune de ces dames ne soient sorties victorieuses de cette confrontation historique. Une conversation rêvée et inespérée, pour le plus grand bonheur de tout amateur ou historien d'art.
D'autres entretiens, diplomatiques ceux-ci et moins connus se déroulèrent entre ces mêmes murs il y a plus de 400 ans : ceux de la Sérénissime et de l'empire perse du Shah Abbas le Grand, cinquième souverain de la dynastie des safavides (régnant entre 1587 – 1629) concrétisés par la venue de trois ambassades à Venise, en 1600, 1603 et 1621.
La grande toile de Gabriele Caliari (le fils de Paolo Veronese) : le doge Marino Grimani reçoit les cadeaux des ambassadeurs perses en 1603, dans la salle des Quatre portes du Palais, immortalise le souvenir de l'ambassade conduite par Fethi Bey et reçue par le doge dans la salle du Conseil, la lecture par le dragomanno Giacomo de Nores - cet interprète d'origine vénitienne, formé à Constantinople, s'exprimait en turc, en persan et en arabe - de la traduction de la lettre adressée par le Shah et la présentation de quelques uns des cadeaux offerts à la République.
Deux de ceux-ci sont toujours conservés à Venise : le tapis en soie et broché d'or et le panneau de velours de la Vierge et de l'Enfant Jésus tissé par des artistes arméniens installés à Ispahan. C'est là le point fort de cette petite exposition Les cadeaux du Shah Abbas le Grand à la Sérénissime, se tenant dans la salle du Scrutin et son vestibule attenant à la Salle du Collège, que la présentation des deux cadeaux de l'ambassade de 1603 et des lettres ou firmans du Shah les ayant accompagnés.
Velours représentant la Vierge et l'Enfant. Perse, Ispahan, fin du XVI -début du XVIIe siècle. Velours et brocard, 136 x 136 cm. Venise, Musée du Palazzo Mocenigo © photographie courtoisie Fondazione Musei Civici di Venezia, service de presse et des relations extérieures.
Des ouvrages de relations de voyages, des estampes, des zecchini (monnaie vénitienne, l'euro de l'époque), des représentations cartographiques de la Perse (une carte de 1602 ne mentionne pas le détroit d'Ormuz !), des armes et une céramique persane du XVIIe siècle, tous ces objets provenant uniquement d'institutions vénitiennes (Palais Mocenigo, Musée de San Marco et Musée Correr) évoquent les liens entre la République et ce royaume durant le règne d'Abbas. Relations trouvant leurs origines dans le désir de contrebalancer l'expansion ottomane après la prise de Constantinople en 1543 induisant pour Venise la perte du contrôle des voies commerciales vers l'Orient suite à la disparition de l'empire byzantin. Dans la nécessité de se protéger de cet ennemi commun, la Perse devenait un interlocuteur privilégié de la Sérénissime mais, ces échanges furent plus économiques que politiques et militaires, Venise exportant des objets de verre et miroirs de grandes dimensions vers ce royaume. L'image diffusée en Occident de ce souverain persan était celle d'un homme de grande noblesse, ouvert aux autres pays et religions, hospitalier mais aussi un guerrier courageux ; l'estampe de Giacomo Franco le représente dans toute sa majesté. En 1629, Alvise Sagredo, invité par le Shah pour initier le commerce de la soie, reçoit la permission du Sénat vénitien de se rendre auprès de ce souverain. En cours de route, à Babylone, lui parvient la mort d'Abbas. Retour vers Venise.
« Mon rêve serait de pouvoir montrer un jour les objets offerts par la Sérénissime à la Perse ainsi que les documents originaux les ayant accompagnés ». Laissons à Elisa Gagliardi Mangilli, la commissaire, le dernier mot de cette bella mostra. Belle exposition comme celles vues récemment dans les musées de Venise - Correr et Fortuny - (Klimt sur les traces d’Hoffmann et de la Sécession au printemps 2012, le tricentenaire de Francesco Guardi à l'automne 2012, Fortuny et Wagner en hiver 2013).
Vue de l'exposition Les cadeaux du Shah Abbas le Grand à la Sérénissime © photograhie Gilles Kraemer, Palais Ducal, Venise, présentation presse, vendredi 27 septembre 2013.
Les cadeaux du Shah Abbas le Grand à la Sérénissime. Relations diplomatiques entre la République de Venise et la Perse Safavide.
Jusqu'au 12 janvier 2014. Prolongation jusqu'au 27 avril 2014
Palais ducal, Venise, Italie. Tél. + 39 041 427 30 892.
Internet : www.palazzoducale.visitmuve.it.
Commissariat : Elisa Gagliardi Mangilli.
Catalogue de qualité et scientifique sous la direction d'Elisa Gagliardi Mangilli. Éditions Fondazione musei civici Venezia / Marsilio. 80 pages.
Les cadeaux du Shah Abbas il grande alla serenissima. http://palazzoducale.visitmuve.it/it/mostre/mostre-in-corso/i-doni-di-shah-abbas-il-grande-alla-serenissima/2013
Pour mémoire : Manet. Il ritorno a Venezia. http://www.mostramanet.it/
ATTENTION : à partir du 10 janvier 2014 s'ouvre, dans les appartements du Doge, au sein du Palais ducal, une exposition consacrée aux Doges et aux dogaresses au temps de la Sérénissime.>
ATTENTION : l'exposition Les cadeaux du Shah Abbas... est prolongée jusqu'au 27 avril 2014. Profitez de votre séjour à Venise pour vous rendre à la Ca' Rezzonico pour l'exposition consacrée à Pietro Bellotti, neveu de Canaletto. 45 œuvres.